Exposition

De l’espérance à l’épouvante – à propos de l’exposition Rouge. Art et Utopie au pays des soviets

critique

À partir 1917 et de la révolution d’octobre, l’enthousiasme politique est soutenu par une exaltation créative et esthétique, l’art soviétique est riche de propositions d’avant garde. À partir des années 30 et du Grand tournant organisé par Staline et jusque dans les années 40, l’État impose à l’art ce qu’il impose à la société entière. L’exposition « Rouge » présentée au Grand Palais, dévoile 400 œuvres de cette période – certaines sortent de l’URSS pour la première fois – dont la variété et la richesse interrogent le parallèlisme des trajectoires artistiques et politiques.

Le tableau chronologique qui ouvre Rouge, l’exposition qui se tient au Grand-Palais, le rappelle : le 7 novembre 1917, un coup d’État bolchevique parachève la Révolution d’octobre, consacre la prise du pouvoir de Lénine et inaugure le début de la guerre civile. Le 15 avril 1919, les premiers camps de travail pour contre-révolutionnaires sont ouverts.

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Si l’Union des Républiques socialistes soviétiques est née dans la ferveur, elle a grandi dans la terreur. Beaucoup des plus grand artistes du pays – peintres, sculpteurs, photographes, cinéastes, architectes, poètes, graphistes, metteurs en scène… – ont participé à ce projet de société idéale et d’homme nouveau démentiel, mais la plupart ont été écartés ou éliminés. L’exposition illustre ce « Grand Tournant », cette mise au pas radicale, et s’arrête à la fin des années 40, peu avant la mort de Staline en 1953.

Attenantes à l’immense première salle, il y a deux petites pièces sombres qui présentent exclusivement des peintures. La première abrite une Fantaisie de Kouzma Petrov-Vodkine (1925) : un homme habillé sans façon, pieds nus, le regard tourné vers le ciel derrière lui, chevauche un cheval rouge qui bondit au premier plan et au-dessus d’un paysage vallonné dans les tons verts-bleus. Sur le mur d’en face, lui répond Le Bolchevik de Boris Koustodiev (1920) : le révolutionnaire est un géant chaussé de bottes de sept lieues qui domine un paysage urbain où se presse la foule, en un premier plan aussi saillant. Il brandit une longue banderole rouge qui traverse le haut du tableau et s’échappe hors cadre. Les deux hommes sont plus que des messagers. Ce sont des héros antiques, des figures qui concentrent tout l’espoir d’une société qui vient de renverser l’ordre ancien.

Dans la même salle, leur répondent plusieurs portraits : L’Instituteur de campagne (Evgueni Katsman, 1925), Le Correspondant ouvrier (Viktor Perelman, 1925), Ouvriers (Kouzma Petrov-Vodkine, 1926). Le réalisme de ces tableaux est à l’image de la


Cécile Dutheil de la Rochère

critique, éditrice et traductrice