Littérature

Ceci n’est pas une correspondance – À propos de la Correspondance de Mallarmé

Professeur de littérature

La publication en un volume de la Correspondance de Mallarmé constitue un événement littéraire en soi. Voici que ses lecteurs ont à portée de la main, au bord de leur écritoire, quelque chose qui ressemble aux « minutes » d’une aventure poétique non seulement décisive, mais dont les secrets sont loin d’avoir été tous portés au jour.

Pas loin de 2 000 pages, plus de 3 000 lettres échelonnées de 1854 à 1898, dont un petit quart jusqu’ici inédites ou dispersées : la publication de la correspondance complète de Mallarmé, en un gros volume solidement relié dans la collection « Blanche », parachève l’admirable travail éditorial entrepris, il y a une trentaine d’années, par Bertrand Marchal. Professeur à Paris IV, spécialiste du poète et de la littérature fin de siècle, celui-ci a été, comme on sait, l’architecte de la nouvelle édition des Œuvres complètes à la « Bibliothèque de la Pléiade », en deux tomes parus en 1998, l’année du centenaire, puis en 2003. Le premier, consacré pour l’essentiel aux écrits à caractère poétique, avait déjà inclus une portion très significative de la correspondance des années 1860, capitales dans la formation de l’esthétique de Mallarmé, ainsi qu’un choix de lettres sur la poésie adressées à divers correspondants entre 1870 et 1898.

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Poésie d’un côté, prose de l’autre : ce partage était évidemment problématique s’agissant d’une œuvre dont l’un des enjeux aura été d’étendre les coordonnées du poétique à tout le périmètre de l’expérience littéraire et de l’existence quotidienne. Cette nouvelle édition à la « Pléiade », avec laquelle Mallarmé a comme enjambé d’un autre siècle vers le suivant, fait aujourd’hui autorité et elle le fera longtemps encore. Elle venait remplacer avantageusement l’édition en un volume procurée en 1951, à la même enseigne, par Henri Mondor et Georges Jean-Aubry. Commode mais philologiquement peu rigoureuse, celle-ci a défini pendant un demi-siècle les contours d’une œuvre dont les proportions n’allaient pas cesser de grandir ensuite, avec la publication d’importants chantiers retrouvés parmi les papiers du poète – des notes en vue du « Livre » (1957) au Tombeau d’Anatole (1961) en passant par les Noces d’Hérodiade (1959) –, et plus encore, au fond, avec la prise en relais de cette œuvre par les principaux modèles théoriques ayant tour à


Pascal Durand

Professeur de littérature , Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège

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