Essai littéraire

Tomber en littérature – sur Débuter, comment c’est de Bertrand Leclair

Critique littéraire

Revenir aux commencements, à l’étincelle qui déclenche l’incendie de la création littéraire. C’est l’obsession de Bertrand Leclair, qui partage et s’interroge sur l’art et la manière d’entrer en littérature dans Débuter, comment c’est. Qu’on ne s’attende pas ici à l’exposé d’une conception distanciée ou doctorale de la chose littéraire : l’auteur puise avant tout dans son expérience de romancier, de lecteur, de passeur et par cela, nous révèle les chemins de traverse que l’écrivain peut emprunter.

C’est de l’intérieur, du plus intime de son expérience, que Bertrand Leclair construit et assemble son discours sur la littérature. Cette intériorité, réfléchie, analysée, il en fait – à Sciences-Po et pour les ateliers ou séminaires d’écriture de La NRF – le sujet d’un enseignement pratique, non académique, sur le vif pour ainsi dire. De cette réflexion à haute voix, il a tiré des pages vivantes, ferventes, à la fois résolument subjectives, et ouvertes à ses lecteurs – du moins ceux que l’acte solitaire et singulier d’écrire, et celui complémentaire de lire, interrogent encore.

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Et bien sûr, Leclair ne pouvait que s’appuyer sur la question centrale de Mallarmé (dans son admirable oraison funèbre de Villiers de l’Isle Adam), à la fois éternelle et comme inaugurale de notre modernité : « Sait-on ce que c’est qu’écrire ? » Et, pas plus que l’auteur, je ne peux résister au plaisir de citer, à la virgule près bien sûr, les deux phrases qui forment la vertigineuse réponse à cette interrogation : « une très ancienne, et très vague mais jalouse pratique, dont gît le sens au mystère du cœur. Qui l’accomplit, intégralement, se retranche. » Ce n’est pas un sésame que propose Mallarmé. Le mystère dans les lettres reste entier. Cela fait songer à cette clef dont parle Jean Paulhan : on a bien la clef, mais manque encore la serrure…

Qu’on ne s’attende donc pas à lire l’exposé d’une conception distanciée ou doctorale de la chose littéraire. Quant à la place, au rôle et à la visée de l’écrivain, Leclair sait où puiser pour les définir : dans sa propre conscience et dans son expérience de romancier. Car c’est ce qu’il est d’abord, romancier. L’analyse, la réflexion viennent ensuite, ou en marge, de l’acte d’écrire, d’inventer des histoires, des situations, des personnages, etc. C’est le premier verbe, écrire, qu’il place en majesté ; le second, inventer, lui est soumis. De plus, les références ne manquent pas, où il trouve un appui sûr, passionné. En fait, sous ce titre à


Patrick Kéchichian

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