Raviver le feu – à propos de 1958 de Blick Bassy
Dans le petit panthéon des indépendances africaines, où cohabitent lions indomptables et héros intrépides, Ruben Um Nyobé ne siège pas au premier rang. Loin s’en faut. Moins illustre que le sud-africain Nelson Mandela ou le congolais Patrice Lumumba, ce leader syndical et activiste politique au formidable talent oratoire, à la vision confondante de sagacité, est longtemps demeuré un personnage escamoté du récit national camerounais. Fut un temps où prononcer son nom suffisait à encourir les pires dangers, liquidation comprise. Sa mémoire ne s’honorait que dans la clandestinité. Ou dans l’exil. Sa dépouille ayant été coulée dans un bloc de béton anonyme, tel un objet radioactif, après son assassinat le 13 septembre 1958, se recueillir sur sa tombe s’avérait impossible.
Il semble pourtant qu’aucun sarcophage, aussi épais et hermétique soit-il, n’a pu empêcher le souvenir de celui que l’on surnommait « Mpodol » (« qui porte la parole du peuple » en langue bassa) d’irradier l’imaginaire d’une partie de la population du pays. Cette rétroactivité mémorielle interpelle d’autant plus qu’elle concerne surtout les générations nées après sa disparition, et pour lesquelles Um Nyobé est devenue une conscience indispensable à l’éveil politique dans un contexte où népotisme et corruption au sommet de l’État sont la norme depuis l’indépendance en 1960.
Aujourd’hui, la figure d’Um Nyobé nourrit une abondante littérature, est prétexte à la création d’associations portant son nom, et inspire des artistes. Comme le sculpteur et peintre Jean David Nkot, né en 1985, qui a reproduit, sur une façade en trompe-l’œil de l’ancienne maison du militant dans le quartier Nkongmondo à Doula, des extraits du discours prononcé à la tribune de l’O.N.U. le 17 décembre 1952. Dans cette diatribe anticolonialiste, Um Nyobé dénonçait la réticence des autorités françaises et britanniques à « favoriser l’évolution progressive des territoires vers la capacité à s’administrer eux-mêmes », comme l&