Puzzle ardéchois – sur Le Village de Claire Simon
En 1991, à la question « Que faire pour réinventer la critique, aujourd’hui ? », le critique de cinéma Serge Daney répondait ainsi : « Par gag, je me dis souvent que la meilleure façon de faire de la critique, ce serait de commencer, avant toute chose, par se poser une petite question du genre : et si ce n’était pas un film, ce serait quoi ? On peut toujours répondre. Ce serait un sermon, un rapport de police, un tract, une déposition, un rêve éveillé, etc. Plus on cherche la singularité de l’objet, plus il faut, à un moment, oser une métaphore. Trouver les bonnes métaphores est peut-être une vraie incitation à la critique.[1] »
Alors, et si Le Village n’était pas une série, que serait-ce ? Comment définir ces vingt épisodes que Claire Simon consacre à Lussas et aux multiples projets développés autour du documentaire dans ce village ardéchois ? 1) Un puzzle, avec son territoire bien bordé, son champ et contre-champ, ses personnages hauts en couleur, ses scènes pittoresques et ses paysages bucoliques ? 2) Un kaléidoscope, par son assemblage d’éléments et de récits divers amenant à jeter un autre regard sur le village et ce qui s’y joue ? 3) une matriochka, figurine révélant en son sein une autre et ainsi de suite, pour ses emboîtements de réflexions sur ce que l’œuvre elle-même produirait ?
Seule certitude : Le Village est un objet unique. De mémoire de spectatrice, aucune série n’a de la sorte suivi la vie de communautés – villageoise comme professionnelle – sur plusieurs années. Lorsqu’elles sont documentaires, les séries s’attachent en général à des affaires judiciaires ou à des figures politiques, et sont de facture très classique, enchaînant archives et entretiens. Si, à titre de contre-exemple, Océan a signé récemment une websérie pour narrer sa transition, l’artiste en est l’auteur et il intervient à toutes les étapes de conception. Rien de tel dans Le Village, l’essentiel des protagonistes ayant découvert la série une fois celle-ci achevée. Que p