Série télé

Big little lies : l’imaginaire racial d’une Amérique sophistiquée

Historienne de l'Art

A première vue, la recette de Big Little Lies est simple et efficace : cinq housewives à la vie apparemment parfaite, le paysage maritime de la baie de Monterey en toile de fond, et une sombre histoire de meurtre venant troubler le tout. Cependant la série va plus loin, et au fil des épisodes se dessine en filigrane une ligne de couleur toujours omniprésente dans cette Amérique post-ségrégationniste mais pas encore post-raciale.

En deux saisons de sept épisodes, la série télévisée Big little lies met en scène des mères de la côte ouest des États-Unis vivant dans une petite ville californienne privilégiée du nom de Monterey. Celles-ci sont toutes plus belles les unes que les autres puisqu’elles sont incarnées par Reese Whiterspoon (Maddie), Nicole Kidman (Celeste), Shaileene Woodley (Jane), Laura Dern (Renata) et Zoe Kravitz (Bonnie). Plus ou moins quarantenaires, elles se trouvent – certains indices sont donnés au spectateur dès le premier épisode – confrontées à un meurtre lors d’un bal masqué organisé dans le cadre d’une levée de fonds pour l’école où leurs enfants sont scolarisés dans la même classe de cours préparatoire.

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L’entrée en matière est celle des failles intimes, familiales, de ce monde apparemment parfait, et la sociabilité à la fois amicale et concurrentielle de ces femmes riches, aux destins parallèles mais variés : Maddie est femme au foyer, adultère, et remariée après un divorce ; Celeste est une ancienne avocate qui a renoncé à sa carrière pour s’occuper de sa famille ; Jane est comptable et mère célibataire ; Renata est une executive woman au succès éclatant et enfin Bonnie donne des cours de bien-être – yoga, pilates ou quelque chose de comparable – et incarne cette plénitude paisible du corps et de l’esprit. Elle est aussi la seconde femme de Nathan, le premier époux de Maddie, et apparemment métisse.

Les maris, Les pères, les ex-conjoints, les compagnons d’adultère n’ont décidément pas les plus beaux rôles, en termes de performance d’acteurs – ils sont bien moins longtemps à l’écran que leurs compagnes – mais aussi en termes de représentation puisqu’ils incarnent, si l’on se prête à un raccourci efficace, deux pôles de la faiblesse : l’effacement (les maris de Maddie, Bonnie et Renata) et la violence (le mari de Celeste et violeur de Jane, autrement dit le monstre domestique). Ils jouent d’ailleurs ces personnages de façon très juste, tout autant que les fem


Anne Lafont

Historienne de l'Art, Directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS)

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