Littérature

Un autre dimanche – à propos d’Un dimanche à Ville-d’Avray de Dominique Barbéris

Écrivain

Du Dimanche de la vie de Raymond Queneau aux Dimanches d’août de Patrick Modiano, et sans même remonter aux Complaintes de Jules Laforgue, il existe une longue tradition littéraire du dimanche, que Dominique Barbéris prolonge dans un beau roman mélancolique et, à sa façon, très « français », ce qui explique peut-être qu’il ait eu longtemps sa place sur la liste des sélectionnés pour le Prix Goncourt, comme sur celle du Femina. Un dimanche à Ville-d’Avray est pourtant un livre singulier, qui pose sans en avoir l’air la question de l’universalité possible (des charmes) de la littérature.

C’est un toujours possible Prix Femina et un « presque-Prix-Goncourt », étrange catégorie qu’on invente et qui n’a pas grand sens, sans doute, sinon pour dire que l’on avait été surpris, puis intrigué, par la présence sur l’avant-dernière liste de la plus courue des récompenses littéraires françaises du court et très beau roman de Dominique Barbéris, Un dimanche à Ville-d’Avray. Surpris, parce que ce livre n’a pas a priori les caractéristiques le destinant à ce genre de distinction très codée : publié par une petite maison d’édition, écrit par une auteure bien identifiée mais peu connue, irréductible surtout au moindre « pitch », puisqu’il ne s’y passe à peu près rien, à part le récit d’un souvenir incertain, le temps d’un dimanche dans une banlieue paisible…

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Intrigué, ensuite, parce que tout de même, dans ce « rien » magnifique qui vous prend comme un vertige (le condensé d’une vie, l’espace clos d’un jour, l’automne), il semble qu’il y ait quelque chose d’extraordinairement français – ce qui peut être avait séduit, aussi, les jurés du Goncourt comme du Femina.

On avait fait un constat du même ordre il y a un an, pour l’obtention du prix par Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu, qu’on pourrait considérer comme l’exact opposé d’Un dimanche à Ville-d’Avray, mais qui s’inscrivait de même dans une très explicite tradition française, de Zola à Houellebecq, en passant par Céline et le néo-polar démonstratif. Chez Dominique Barbéris, c’est évidemment autre chose, mais c’est encore une affaire de tradition, pour une écrivaine qui enseigne, à la Sorbonne, la stylistique… française. Ici, ce sont donc Nerval, Corot, Modiano qui affleurent dans un texte tout nervuré de notations atmosphériques et préoccupé d’abord du temps – qu’il fait, qui passe. Dès son titre, dont l’épilogue du roman rappellera qu’il fait allusion à un film un peu oublié des années soixante (Les Dimanches de Ville-d’Avray, de Serge Bourguignon, avec Hardy Krüger), la question se pose ainsi


Fabrice Gabriel

Écrivain, Critique littéraire

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