Triptyque Bacon – à propos d’une exposition et de deux livres
Creusant le dialogue entre littérature et peinture que n’a cessé d’entretenir Francis Bacon (1909-1992), le titre de l’exposition « Bacon en toutes lettres » qui se tient à Beaubourg jusqu’au 20 janvier 2020 n’est pas un simple prétexte pour exposer à nouveaux frais une œuvre majeure et décisive, celle d’un autodidacte en peinture qui a acquis de son vivant une aura de rock star.
Corps de lutteurs sur un lit, papes arrachés à l’œuvre de Velasquez pour être précipités sur une façon de chaise électrique, flaque de sang sur le sol témoignant d’une ancestrale tragédie en l’absence de ses acteurs, rires simiesques, chairs violacées comme la viande à l’étal, bouches tordues dans le cri de l’homme à jamais défiguré par la grande boucherie de 14-18 et ce qui s’est ensuivi, et souvent l’esquisse d’une cage, d’une scène, d’un cirque ou d’une arène : l’art de la fulgurance et une manière si singulière de confronter l’homme à la pointe acérée du tragique font de Francis Bacon l’un de ces rares artistes qu’il suffit d’avoir vu une fois pour le reconnaître à jamais.
Près d’un demi-siècle après la première grande exposition de son œuvre à Paris, au Grand-Palais en 1971, on peut mesurer au Centre Pompidou que sa puissance de déflagration reste intacte, bien que l’œuvre soit désormais un objet de culture, puisqu’elle est close depuis la mort du peintre à Madrid d’une crise cardiaque, en 1992 : à y bien regarder, à y mieux regarder, on ne sait bientôt plus qui s’expose à quoi, des toiles et des spectateurs dé-visagés par une œuvre de la dé-figuration. L’effet est d’autant plus saisissant que l’exposition rassemble une cinquantaine de tableaux et triptyques majeurs datant toutes des deux dernières décennies d’activité du peintre : c’est l’œuvre de la maturité.
La puissance de déflagration reste intacte, mais la question de son statut ne se pose plus, d’autant qu’elle appartient désormais à l’histoire par son ancrage dans le temps qui l’a vu naître, aussi singulière aura-t-e