Théâtre

(Dé)jouer à se faire peur – sur « Le pire n’est pas (toujours) certain » de Catherine Boskowitz

Géographe

Avec « Le Pire n’est pas (toujours) certain », spectacle créé ce soir à la MC93 de Bobigny, Catherine Boskowitz propose en s’emparant de la question migratoire et des réactions qu’elle suscite comme un conte politique voltairien où il est possible de se jouer de la peur, au sens littéral que permet le théâtre comme au sens politique de l’engagement. La géographe Anne-Laure Amilhat-Szary a assisté à sa création.

Ce qui est peu à peu devenu « Le pire n’est pas (toujours) certain », pièce écrite et mise en théâtre par Catherine Boskowitz (selon son générique), est de fait un dispositif poétique et politique inspiré par la crise contemporaine des politiques migratoires et porté à la scène par un collectif d’artistes exceptionnel. Dans la vague d’art documentaire qui déferle devant des publics en quête de sens, cette pièce revêt une puissance inédite en tissant deux fils, l’un narratif, l’autre contextuel. La première chose qu’il faut dire de cette œuvre – et cela il faut le clamer ! – c’est que « Le Pire… » ne parle pas d’eux, des autres, mais bien de nous, de l’Europe, à qui l’altérité fait peur. La seconde est que ce travail est écrit pour « faire monde », et pas uniquement parce qu’il est traversé par la lecture et la mise en voix du texte de Patrick Chamoiseau, « Frères migrants ».

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Aller voir le « Le pire n’est pas (toujours) certain », c’est à première vue plonger dans la dystopie d’un futur proche où l’enfermement des migrants s’est renforcé en égale proportion de l’indifférence générale. Bien sûr on est dans la fiction, projetés dans un espace-temps irréel où les chiens ont la parole… Mais en même temps, c’est pendant les résidences de maturation de la pièce que l’on a appris que Bolsonaro venait de supprimer le ministère de la Culture brésilien tenu quelques temps auparavant par Gilberto Gil : le pire est parfois de l’ordre du probable, et c’est bien là où nos contradictions morales et politiques nous travaillent que cette œuvre résonne !

Pour autant la pièce ne se définit pas comme une pièce politique au sens brechtien. Pas de message projeté de la scène vers le public, mais la construction patiente d’un système de fissures, que la troupe constituée par Catherine Boskowitz veut partager avec son public pour l’inviter à s’engouffrer ensuite dans ces brèches. La puissance de cette pièce inaugurée au festival des Zébrures d’automne, et qui va se donner à décou


Anne-Laure Amilhat-Szary

Géographe, Directrice du Pacte, Laboratoire de Sciences Sociales