Théâtre

La tragédie actualisée – sur Le reste vous le connaissez par le cinéma de Crimp & Jeanneteau

Journaliste

Créé en juillet dernier au festival d’Avignon et repris en 2020 en tournée en France, Le reste vous le connaissez par le cinéma revisite Les Phéniciennes d’Euripide. Écrite par le dramaturge britannique Martin Crimp et mise en scène par Daniel Jeanneteau, la pièce réactive le mythe en plaçant le chœur (constitué de jeunes femmes) au centre de l’action. Ces dernières orchestrent la tragédie, tout en en renouvelant par leur présence les enjeux.

Lorsque les spectateurs prennent place dans la salle, le plateau – à vue – est déjà investi par le chœur. Vêtues en costumes d’aujourd’hui, ces neuf jeunes femmes discutent, se coiffent, vaquent comme si de rien n’était. Comme si nous, spectateurs, n’étions pas en train de prendre place pour assister à une représentation. La scénographie, elle, désigne ce qui semble être une salle de classe.

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Avoir été, plutôt. Car si le parquet usé, les chaises et les bureaux d’écoliers sont bien là, ces éléments emblématiques du mobilier scolaire ne sont pas agencés comme ils le devraient. Certains sont au sol, d’autres éparpillés – tandis qu’en fond de scène côté cour trône un étrange mobil-home sombre, accessible par une échelle. Désignant le lieu de l’éducation de ces jeunes femmes, de leur émancipation comme de leur domestication – ambiguïté propre à l’institution scolaire –, cet espace est le leur, c’est là que la tragédie va se dérouler. Pour autant, le chaos qui y règne signale que le temps de l’école, de l’enseignement de ses valeurs et de l’obéissance contingente sont révolus. L’ont-elles elles-mêmes mises à terre, ce système ? Ou la période troublée rend-elle impossible, voire caduque, la transmission des savoirs ? Aucune réponse ne sera apportée à cette question. Ce qui est certain est que cette scénographie signale par sa symbolique autant la place – centrale – occupée par ces Filles (telles que désignées dans la pièce) que les temps troublés qui se déroulent.

Écrite en 2013 par Martin Crimp, l’un des plus grands dramaturges britanniques contemporains, Le reste vous le connaissez par le cinéma reprend en grande partie le fil suivi par Les Phéniciennes d’Euripide. Lorsque la pièce débute, et après quelques premières questions lancées par les Filles – sur lesquelles nous reviendrons –, Jocaste apparaît. La mère et désormais épouse d’Œdipe raconte, encouragée et soutenue par les Filles, son histoire : mariée à Laïos – descendant de Cadmos, le fondateur de Thèbes


[1]. Laura Mulvey, Au-delà du plaisir visuel – Féminisme, énigmes, cinéphilie, Éditions Mimesis, 2017, p.36.

[2]. Teresa Castro,« Introduction », in Au-delà du plaisir visuel – Féminisme, énigmes, cinéphilie, Éditions Mimesis, 2017, p.20.

Caroline Châtelet

Journaliste, critique

Mots-clés

Festival d'Avigon

Notes

[1]. Laura Mulvey, Au-delà du plaisir visuel – Féminisme, énigmes, cinéphilie, Éditions Mimesis, 2017, p.36.

[2]. Teresa Castro,« Introduction », in Au-delà du plaisir visuel – Féminisme, énigmes, cinéphilie, Éditions Mimesis, 2017, p.20.