Poétique de la disparition – sur Ce qui est nommé reste en vie de Claire Fercak
C’est peu de dire que l’entreprise était périlleuse : Claire Fercak nous invitant à parcourir à ses côtés un service hospitalier où les patients sont atteints d’une tumeur au cerveau. Le résultat aurait pu être gênant, sorte de récit tire-larmes plein de voyeurisme et de recettes faciles. L’autrice de Rideau de verre (2007), Chants magnétiques (2010) et Histoires naturelles de l’oubli (2015) a choisi d’en faire une œuvre littéraire.
Cette qualité littéraire, et cette préoccupation de Fercak de dépasser dès le premier paragraphe la dimension du témoignage, tient dans la forme même du livre. Parce qu’il ou elle a accompagné un être aimé aujourd’hui décédé et ne s’en remet pas, un narrateur ou narratrice décide de retourner sur les lieux de son malheur, d’observer, écouter et écrire.
À aucun moment il ou elle ne dira « je » pour décrire ce qu’il ou elle a vécu. On ne saura rien de cette mystérieuse voix, même si on peut supposer qu’il s’agit de la romancière elle-même. Fercak a choisi l’apostrophe et son texte est tout entier bâti sur le « vous », nous plongeant directement dans une situation qui en effet peut être vécue par chacun de nous. « La vie quotidienne s’est brusquement arrêtée à la lisière d’une journée noire et délétère, à un instant du temps : la déclaration de sa maladie. […] Vous êtes pris, arrimé à ce funeste soir. Vous ne savez pas combien de temps il vous maintiendra hors du monde, loin de vos amis, voisins, collègues, loin des êtres qui vous entourent mais qui, malgré leur présence et leurs efforts, ne font pas partie de ce voyage qui vous pousse, vous et votre famille, dans la profondeur de la nuit ».
De ce fait-là, le livre dépasse immédiatement l’expérience singulière. Pourtant, il n’est pas question de « nous ». Ce « vous » que Fercak nous adresse l’empêche de transformer une expérience privée en aventure collective, il respecte et suppose l’individualité de chaque situation. Par ce vous qu’elle détaille parfois, Fercak traduit l’addit