Robin des villes – sur Banksy
«Ah ah ah ! », c’est la réponse qu’apporte Steve Lazarides quand on mentionne une rumeur très française selon laquelle le street-artist Banksy et le chanteur de Massive Attack 3D seraient la même personne. Steve Lazarides, qui vient de sortir un livre intitulé Banksy Captured, est bien placé pour parler des deux hommes : il a été manager de Banksy de ses débuts à la fin des années 2000, en plus d’être son complice, son photographe et son marchand. Et il avait longuement photographié les graffitis de 3D dès les années 80, quand le futur musicien était un des piliers du collectif The Wild Bunch, dont allait découler Massive Attack.
Il a donc suivi de près, à Bristol, l’évolution du mentor 3D et de son disciple Banksy sur les murs de la ville. Surtout que cette petite troupe suivait avec assiduité les matches d’une des deux équipes locales de football, Bristol City. Un club dont 3D mettait en scène le fanzine et pour lequel Steve Lazarides offrait volontiers ses poings et sa culture hooligan. Et Banksy ? Il était là, simple supporter encore, avant de rejoindre brièvement une légende bristolienne : le club de foot des Easton Cowboys, bande de gauchistes esthètes de foot sud-américain.
La première rencontre entre Banksy et Lazarides a lieu en 1997, sur les docks de Bristol. « Il était déjà débraillé, habillé comme un clochard. Je venais le photographier et il préfigurait Daft Punk : interdit de montrer son visage. On a sympathisé au fil des mois. J’ai appris dans ma carrière à reconnaître le génie en faisant abstraction de l’âge ou de la notoriété de l’artiste… Eh bien Banksy était déjà un génie, je l’ai vu d’entrée. Il était politique, cultivé, habité… Il connaissait le situationnisme, les affiches de Mai 68, mais il était plutôt, dans le style, influencé par le communisme. Il se moquait de moi, me disait que l’on pouvait consigner mon savoir culturel au dos d’un timbre ! Il savait que les pochoirs étaient à la base des outils politiques, car il fallait vite écrire son slogan sur les murs avant de s’enfuir.»
Plusieurs fois, sous les yeux de Lazarides, un Banksy débutant flirte ainsi avec l’arrestation. Jusqu’à ce qu’il s’aperçoive que le meilleur moyen de ne pas se faire remarquer n’est pas de peindre en se cachant mais au contraire de le faire effrontément, en portant un gilet fluo, en plein jour, l’air officiel, sans se soucier des passants ou des policiers. Il va même plus loin en entrant, en 2004, dans le Natural History Museum avec une perceuse sans fil et une taxidermie encadrée, représentant un rat portant des lunettes de soleil et une bombe de peinture. Sans se soucier de la foule et des gardiens, Banksy accroche bruyamment son œuvre au mur. « Là, j’ai flippé, se souvient Lazarides. Mais il a fallu plus de quatre heures au musée pour se rendre compte de l’intrusion ! ».
Du Louvre au MoMA, Banksy renouvellera régulièrement ces coups d’éclats qui serviront de caisse de résonance massive au street-artist, toujours en avance d’un coup fourré. Comme, en 2018, quand il met en scène la destruction en directe d’une de ses pièces lors d’une vente chez Sotheby’s, grâce à un broyeur à papier intégré. L’œuvre, vendue alors plus d’un million d’euros à la famille Porsche, sera immédiatement estimée au double. Ainsi se construit une côte en cette fin de décennie. Si Lazarides voit dans ces actions une forme de canular sophistiqué, préparé et exécuté comme un hold-up, il se souvient que Banksy les considérait plutôt comme des actes politiques, sous influence situationniste.
On serait tenté de dire que Lazarides n’a pas perdu une miette de cette genèse bristolienne, lui qui était alors le seul à tout photographier. Il possède ainsi des dizaines de milliers de photos de Banksy sous tous les angles, surtout en action. Mais une vie de débauche lui a fait perdre, en plus des points de vie, des tonnes de documents, des peintures aussi. Il lui reste le plus important : la mémoire d’une époque exaltante, bouillonnante où il vit le jeune Banksy suivre avec assiduité les traces de 3D, notamment quand celui-ci se mit aux pochoirs dès les années 80, marquant en profondeur l’imaginaire de la future star mondiale du street-art. « Je trouve cette rumeur selon laquelle Banksy serait 3D assez symptomatique de la paresse de la presse… Ceci dit, des gens ont écrit très sérieusement que Banksy était une femme, puis que c’était Damien Hirst. Même que c’était moi ! ».
« Je ne pensais pas qu’en photographiant les graffitis, je sauverais de l’oubli des créations forcément éphémères. »
Peu de risques sur cette dernière affirmation : Lazarides avoue avoir tenté sa chance dans les années 80 mais qu’il était un graffeur médiocre. Même la photo lui est venue par hasard. « Ma seule compétence, dans les années 80, c’était la picole et le combat de rue. » Sa mère a une autre vision de carrière pour le jeune Steve : elle rêve de le faire embaucher comme fraiseur dans une des deux grosses entreprises de Bristol : l’Aérospatiale ou Rolls Royce. Mais une visite scolaire sur le tournage d’une série de la BBC change le destin de Lazarides. Fasciné, il observe les cameramen. C’est la première fois de sa vie qu’il voit des gens gagner leur salaire sans labeur physique. Il sera photographe.
Il emprunte alors le portfolio du père d’un copain, amateur éclairé, pour le présenter en son nom au concours d’entrée de la fac de Newcastle. Puis cambriole un magasin pour récupérer des vêtements présentables. Il est reçu en fac. Il décide alors de documenter les sous-cultures anglaises : les raves de Newcastle, le grafitti à Bristol, le skateboard et le BMX à Londres. Il est lancé, mais l’arrêt est brutal : après une journée de stage traumatisante chez le légendaire photographe David Bailey, il abandonne la photo. Il bosse alors sur des chantiers pendant quatre ans. Jusqu’à ce qu’une petite annonce attire son attention : le magazine Sleaze Nation cherche un directeur de la photo et ce titre lui plaît.
Surtout qu’il lui laisse un peu de temps pour s’occuper de Banksy et de la nouvelle structure anarchique qu’il lancera en 2001 pour commercialiser ses toiles et lithos : Pictures On Walls. « Nous avons toujours foncé sans réfléchir au lendemain, aux conséquences. Je ne pensais pas qu’en photographiant les graffitis, je sauverais de l’oubli des créations forcément éphémères. Avec Banksy, au moins, les règles avaient été établies : j’étais là pour documenter son travail. J’ai tellement de photos de lui au travail que je prévois déjà d’autres volumes de mon livre. »
Grâce à son travail de photographe pour Sleaze Nation, Lazarides a des connections dans le monde de la musique. Il profite de séances photos avec le Foo Fighter Dave Grohl ou le leader de Jane’s Addiction Perry Farrell pour distribuer le petit livre-manifeste de Banksy Existencilism. Et ça marche : bien avant les milieux de l’art et de son commerce, les premiers collectionneurs viennent du rock. Du manager des Ecossais Belle & Sebastian à un patron de maison de disques française, Banksy devient un sujet de conversation, voire d’obsession dès le tout début du siècle.
Il est encore pourtant un inconnu, dont les toiles se vendent alors entre 200 et 500 euros. Certaines lithographies signées partent pour 80 euros : la plupart d’entre elles se vendent désormais plus de 40 000 euros ! Si le monde de la musique réagit aussi vite, c’est sans doute aussi grâce à la forte relation qui lie Banksy à la scène de Bristol.
Mais ce qui propulse vraiment Banksy dans le monde de la musique est la pochette de l’album Think Tank de Blur, qu’il signe en 2003. « Un street-artist doit bien vivre lui aussi. Et Blur m’offrait une somme indécente pour que je fasse ces artworks », commente alors Banksy. Blur ne lésine pas : album, singles, objets promotionnels, tout est signé Banksy. Il est alors exposé, en tout anonymat, à la petite galerie parisienne Surface 2 Air. Effet Blur : toutes les lithos partent en quelques jours. Steve Lazarides se souvient de la vraie motivation de Banksy alors. « Banksy et Damon Albarn étaient sur la même longueur d’ondes. C’est pour ça qu’il a accepté. Ils sont l’un et l’autre obsédés par leur propre petit artisanat. »
A cette époque, toutes les marques comme Nike le supplient déjà de collaborer avec eux et alignent les zéros. Mais plutôt que de se vendre, Banksy a choisi de vendre ses toiles, produites en séries de 25 souvent, que Lazarides commercialise pour lui. Ce qui provoque la rage des street-artists de la génération précédente, qui ne tolèrent pas ces liens entre rue et galeries. Lazarides se souvient de cette levée de boucliers : « Banksy leur a littéralement botté le cul. Avec leur purisme d’hypocrites, les seuls qui pouvaient continuer à faire du graffiti sérieusement étaient les gosses de riches. Ce n’était pas notre cas. Il fallait payer le loyer. »
« Peut-être qu’un jour, le graffiti sera exposé dans des musées comme l’égal d’autres formes d’art contemporain. J’espère qu’il ne s’abaissera jamais à ça. »
Banksy est alors un authentique stakhanoviste, dont l’exposition médiatique fait des jaloux : ses peintures dans les rues sont immédiatement vandalisées ou recouvertes, sauf celles préservées sous plexiglass par des propriétaires visionnaires. Alors que l’on pouvait admirer des dizaines d’interventions de Banksy sur les murs londoniens des années 2000, il n’en reste plus qu’une poignée aujourd’hui. Il faut dire que Banksy a lui-même initié cette vendetta, en osant, crime de lèse-majesté, recouvrir et ridiculiser un graffiti de King Robbo, qui était à cette époque, avant sa mort tragique, une personnalité forte de la scène londonienne.
Cette popularité sans précédent de Banksy, élu récemment artiste préféré des Britanniques lors d’un vaste sondage, Lazarides la relie à une révolution technologique sans précédent : internet. Grâce aux réseaux sociaux, chaque nouvelle œuvre de Banksy est ainsi immédiatement vue, discutée et copiée par des millions d’internautes. « Aucune galerie, aucun musée n’ont cette puissance. Soudain, Banksy a senti ce pouvoir, avec Instagram notamment. A quoi bon passer par les milieux de l’ancien monde ? »
Le monde de l’art, peu après celui de la musique, s’entiche pourtant à son tour, dès le début du siècle pour ce jeune artiste. Malgré le mépris des musées et de beaucoup de galeries londoniennes d’alors pour tout ce qui provient de la rue, certains artistes et mécènes investissent alors massivement dans les toiles de Banksy. L’artiste anglais Damien Hirst possède ainsi une des plus riches collections de Banksy, comme la famille Graff, célèbres diamantaires londoniens.
Steve Lazarides développe une savante technique de prix pour des expositions organisées en mode guérilla, dans des galeries pop-up disséminées dans Londres. Le but du jeu est de tout vendre le jour même de l’ouverture, pour faire grimper la côte de l’exposition suivante. Et ça marche : à chaque exposition, les queues se forment de plus en plus tôt. Ça vire même parfois à l’émeute, quand entrent dans le bal des professionnels des marchés noirs, petites frappes plus habituées à la revente sauvage de billets de concerts ou de matches de foot.
Lazarides a tracé un plan de vol qui implique aussi à moyen-terme le détournement des plus prestigieuses salles des ventes. La technique est simple et éprouvée : le marchand fait monter les enchères et rachète lui-même sa toile pour faire grimper la côte. Sauf que rien ne se passe comme prévu avec Banksy : d’authentiques collectionneurs s’accrochent aux enchères et font exploser le plafond que s’est fixé Lazarides. Le résultat est le même : des toiles se vendent ainsi jusqu’à dix fois les estimations des commissaires-priseurs.
Cela participe d’une mythologie, d’une culture punk du fuck off. « Il est l’artiste dont la côte est montée le plus rapidement de l’histoire », confirme la vénérable maison Sothebys. Même Banksy, pourtant avare de déclarations, ne peut s’empêcher de commenter ce changement de statut. « Peut-être qu’un jour, le graffiti sera exposé dans plein de musées, considéré comme l’égal d’autres formes d’art contemporain. Personnellement, j’espère qu’il ne s’abaissera jamais à ça. »
Un héros du peuple, l’artiste préféré de ceux qui ne vont jamais au musée.
Pour la première fois, dès 2003, les spéculateurs débarquent, font leur marché lors de vernissages épiques. Lazarides a gagné un premier pari de taille : faire passer Banksy de la rue aux galeries. « Pourtant, les galeristes n’y comprenaient rien. Quand ils voyaient les prix grimper d’un show à l’autre, ils me traitaient de fou, juraient qu’on avait déjà largement dépassé les prix. Je leur répondais : “Bande de connards, j’ai déjà tout vendu cette exposition. Et la prochaine est déjà sold out !” »
« Mon but n’était pas de vendre cher à la base mais de tout vendre. C’est moi qui imposais les prix et ils ont grimpé par paliers. C’est comme ça que des gens qui n’avaient jamais investi dans l’art, qui s’en sentaient exclus, ont acheté des peintures. Je connais un gars qui habite en HLM et qui avait acheté en 2002 une peinture à l’une de ces expos pour une bouchée de pain. Elle vaut aujourd’hui des millions, mais ne quittera jamais le mur de ce HLM : c’est sa fierté. »
Pour beaucoup d’Anglais de cette génération, Banksy est ainsi une sorte de Robin des Bois qui frappe systématiquement juste avec son mélange inouï de poétique et de politique, résumant des concepts souvent épineux en une image cinglante, parfois bouleversante, souvent tordante. Il est ainsi devenu un héros du peuple, l’artiste préféré de ceux qui ne vont jamais au musée. Signe de cette adoption sans faille : malgré une coquette récompense offerte par un tabloïd, personne n’a vraiment trahi le nom, l’adresse, la vie privée ou le passé de Banksy.
Et pourtant, lors de son vaste show de Dismaland en 2015, plusieurs véhicules appartenant à ses collaborateurs avaient été équipés par des journalistes d’un traceur, destiné à remonter jusqu’à lui et son atelier de la campagne anglaise. Une des attachées de presse de l’événement se souvient du harcèlement qu’elle a alors subi de la part d’un tabloïd, ses journalistes lui mettant sous le nez des photos supposées de Banksy en lui ordonnant de dire si c’était lui ou pas. « Des techniques dégueulasses, entre intimidation et compassion », se souvient-elle.
Steve Lazarides lui-même, malgré douze ans à ses côtés, avoue ignorer des pans entiers de la vie de Banksy. « J’aurais pu chercher à me venger après notre séparation, en publiant des centaines de portraits de lui. Mais à quoi bon ? Ça serait comme dire à un enfant de 5 ans que le Père Noël n’existe pas. Le grand public s’est créé un héros populaire, il vous haïra pour la vie si vous cassez son mythe. »
Et le mythe vend. Les dernières ventes de Banksy ont toutes largement dépassé les prévisions les plus dingues et optimistes : Devolved Parliament est partie pour douze millions de dollars, alors que Love Is In The Bin a atteint plus d’un million de dollars. « Sa côte est juste, il appartient à ce monde-là, affirme Lazarides. Mais pour moi, un artiste ne devrait plus être jugé par ses prix de vente, mais par son rayonnement. Et là, on ne fait pas mieux que Banksy. Son livre Walls & Pieces s’est quand même vendu à deux millions d’exemplaires. Aucun artiste ne peut revendiquer ce genre de chiffres. Je le considère comme l’un des plus grands artistes de tous les temps. » Aux collectionneurs originaux se sont ainsi ajoutés des stars d’Hollywood, de Brad Pitt à Snoop Dogg, recrutés par la manageuse suivante de Banksy.
L’uber-connectée Holly Cushing, une véritable tornade, gère avec une efficacité militaire l’acte 2 de la vie de Banksy. En attendant l’acte 3… Elle a même décidé de s’attaquer au marché juteux et parallèle des contrefaçons, des mugs aux posters en passant par les grenouillères. Car loin devant Warhol ou De Vinci, Banksy est l’artiste le plus contrefait d’Angleterre, faisant vivre à lui seul des pans entiers des marchés populaires de Portobello ou Camden. Cette attaque contre le marché gris est depuis toujours une arlésienne du modèle Banksy face auquel Lazarides avait baissé les bras.
Sauf dans un cas précis : la découpe et le stockage, en Floride, de murs entiers de bâtiments portant des peintures de Banksy. « Ces fumiers affirment que c’est pour préserver ses œuvres, s’insurge-t-il. Alors que ces murs sont vendus à des milliardaires. Ces peintures ont été offertes par Banksy aux villes et ces salopards viennent les piller, priver les citadins de quelques secondes de bonheur. » Une façon de répondre à la défense d’un probable menteur qui, récemment arrêté scie électrique à la main dans une rue parisienne, a juré arracher aux murs les œuvres de Banksy (notamment sur une porte du Bataclan) sur ordre de l’artiste. Une accusation qui a rendu Banksy tellement furieux qu’il s’est fendu d’un rare communiqué.
« Certains rêvent de rendre le monde meilleur. Moi je veux juste qu’il soit plus beau. »
Quand on demande à Lazarides quel a été son propre rôle dans le lancement de Banksy, il répond n’avoir été qu’un facilitateur. « Je ne pense pas avoir été un grand manager. Mais je sais rendre les rêves possibles. J’ai été farouche dans ma protection de Banksy. Je suis un pitbull. J’ai servi de tampon entre Banksy et l’argent, pour qu’il ne se salisse pas les mains avec ces milieux… C’est moi qui me suis prostitué pour vendre toujours plus de toiles, pas lui. Et j’étais bon dans ce rôle. Nous nous sommes bien amusés. Nous avons été au cœur d’un mouvement qui refuse de mourir, qui refuse de se dissoudre. »
Expliquant la séparation, brutale, entre les deux hommes en 2008, Lazarides évoque du bout des lèvres des divergences artistiques. « Il était un boulot à plein temps. C’est comme si nous avons passé un week-end de folie ensemble et que ce week-end a duré douze ans. » On sait à quel point le travail dans les rues manquait alors à Banksy, confiné dans son studio à produire à la chaîne toiles et lithos. « Certains rêvent de rendre le monde meilleur. Moi je veux juste qu’il soit plus beau », écrivait alors le street-artist.
Il regrettait avec nostalgie l’excitation des trottoirs, l’adrénaline des graffitis, lui qui s’est souvent mis en danger, notamment en escaladant des ponts londoniens pour les peindre, de Shoreditch à Portobello. « Nous étions vraiment des punks, soupire Lazarides. J’ai vécu les plus belles années de ma vie. Nous avons écrit les règles. Nous étions les rois. »
On le sent pourtant : l’esprit frondeur, indépendantiste et disruptif des années Banksy n’est jamais loin, malgré trois enfants et les années écoulées. « Je me sens prêt à remonter au front. En vérité, après avoir été beaucoup de choses dans ma vie, je m’emmerde. Le monde de l’art est d’un ennui sans nom. Il n’y aura pas de nouveau Banksy, alors je dois chercher un autre milieu où foutre la merde ! » Comme le milieu de l’édition par exemple : il a écoulé les 5 000 exemplaires de son livre Banksy Captured en 24h, à compte d’auteur. « Pour gagner autant d’argent, j’aurais dû en vendre 50 000 sur Amazon. Il y en a marre de cette industrie qui se sucre sur le dos des artistes. »
Il l’affirme sans rire cette fois, oubliant au passage à quel point il s’est lui même enrichi grâce à Banksy. On lui rappelle qu’il s’est constitué une phénoménale collection de ses œuvres, dont certaines sont posées à même le sol dans son bureau londonien. C’est sans la moindre tristesse qu’il avoue les voir toutes vendues, pour financer pendant des années sa galerie LazInc, qui représentait notamment les Français JR et Space Invader. « Je n’ai pas parlé à Banksy depuis douze ans, mais il y a entre nous des règles jamais écrites. C’est pour ça que je ne lui ai même pas demandé le droit de publier ces photos de lui au travail : c’est un accord tacite. Il recevra le livre. Le numéro 0001. »