Littérature

Un conte plein d’élan – sur La Nuit atlantique d’Anne-Marie Garat

Critique Littéraire

Avec La Nuit Atlantique, Anne-Marie Garat signe un semi-conte aux protagonistes décalés, dont l’expression surannée surprend et emporte. Autour d’Hélène et de la procession des personnages qui la rejoignent se déroule un beau roman en forme de nature writing à la française, où se mêlent inquiétude climatique et générosité de l’écriture.

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« Au fond, m’avouai-je, je n’avais hâte que de rejoindre mes pénates. De renouer au plus vite avec le quotidien prosaïque, le macadam et les pavés des rues de mon quartier, ma routine professionnelle et mon petit cercle d’amis – à l’instant si amenuisés par la distance et perdus dans ce brouillard matinal que c’était presque comique, tant cela semblait exilé sur une autre planète. Malgré mon fortifiant petit-déjeuner, ces considérations moroses n’auguraient pas bien de la journée. »

Hélène, la narratrice parisienne de La Nuit atlantique, n’est pas confinée à cause d’un virus. Mais cela ne l’empêche pas de se sentir enfermée dans ce village du Médoc où elle a acheté une maison en ruine, dix ans avant que le roman ne commence. Elle aimerait la revendre et ce n’est pas gagné. Est-ce pour compenser sa solitude qu’Hélène convoque un torrent d’adjectifs pour qualifier son état psychique ? Confinement ou pas, le style chatoyant est la marque de fabrique d’Anne-Marie Garat.

L’auteure de Dans la main du diable (Actes Sud, 2006), qui a remporté un grand succès public, est volubile à l’écrit comme à l’oral, les interviews qu’elle a accordées à la télévision en témoignent. Crinière vif-argent, débit rapide, souriante, elle aime parler de son travail et le fait sans chichi. Née à Bordeaux en 1946, Anne-Marie Garat imagine des univers et des personnages généreux, maternants, vivants, dynamiques, autant d’atouts qui ne les empêchent pas d’être tristes. Ces êtres reflètent peut-être le tempérament de l’auteure ; qui sait ?

Ses phrases sont classiques, élégantes, mais aussi trébuchantes, multipliant les inversions du sujet et faisant le vide de virgules quand d’autres écrivains les accumulent. Le lecteur doit s’accrocher au texte pour que la vague qui approche à toute vitesse (comme la vague qui figure sur la belle jaquette du livre) ne l’emporte pas. Cet univers est un peu trop riche, comme on le dit d’un plat, mais il n’est pas inintéressant. Il est décalé et ne verse p


Virginie Bloch-Lainé

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