Quand John Donne fait en nous résonner notre humanité – sur ses Méditations en temps de crise
« Nul homme n’est une île (…) : n’envoie donc jamais demander pour qui sonne le glas, il sonne pour toi ». L’un des propos les plus célèbres de la culture anglophone, dont des écrivains (Hemingway), mais aussi des chanteurs (Simon & Garfunkel, Metallica) et des réalisateurs (Dominique Marchais) se sont inspirés, est apparu en 1623 sous la plume de John Donne (1572-1631), amant-poète insolent devenu prédicateur flamboyant de la cathédrale Saint Paul, à Londres. Dans ses Méditations en temps de crise, le nouveau Saint Augustin et déjà célèbre doyen de Saint-Paul s’exerce à mettre à profit son expérience douloureuse de malade.
Nul glas ne résonne aujourd’hui dans nos clochers pour annoncer à la communauté des fidèles une nouvelle victime du Covid-19. Nous, ce que l’on perçoit depuis nos fenêtres ouvertes, ce sont nos applaudissements, chaque soir, qui font entendre le son de notre lien social, et célèbrent ceux qui mènent la lutte contre la maladie.
C’est à l’hiver 1623 que Donne tombe malade, probablement du typhus, sorte d’épidémie hivernale très contagieuse et souvent mortelle, transmise par les poux de corps prospérant dans les plis des habits et se manifestant, entre autres, par des fièvres, des malaises et des maux de tête violents, et par une éruption cutanée. John Donne a alors un peu plus de 50 ans. Né catholique, fatigué du culte du martyr et rebuté par les dogmes de toutes sortes, il a fini par se convertir à la religion anglicane et, à la demande insistante de Jacques Ier, roi d’Angleterre, par entrer dans les ordres en 1615. Il tombe soudainement, brutalement malade : la fièvre est élevée, et le « liquéfie », non, le « calcine », l’épuisement le cloue au lit, même ses draps de plomb l’étouffent et lui pèsent.
Les médecins du royaume s’activent sur son corps, qu’ils lavent, évident, gavent de potions, saignent, purgent, recouvrent de carcasses de pigeons fraîchement tués, remèdes plus ou moins efficaces que Donne entreprend de décrire minuti