Hantises et désirs en pays de brume – à propos de Blockhaus de Mathieu Larnaudie
Il descend d’un train. Puis monte dans un autocar dont il est le seul voyageur, traverse des hameaux, des fermes isolées, et des bocages, où l’on ne voit personne. Brusquement, c’est la mer. L’autocar le dépose dans un village où, depuis des années déjà, les trains ne vont plus. Il est venu fuir la ville, ses tentations, ses tumultes et certains acharnements dont nous ne saurons rien. Dans la maison où il s’installe, et qui ressemble à bien de celles qu’on trouve dans ces stations balnéaires qui, naguère furent à la mode – ou celles qui le restent dans l’éclat de nos souvenirs d’enfance – il suffit d’ouvrir les volets, et c’est encore la mer.
Pourtant, c’est bien là, en ces lieux désormais désertés par l’Histoire, qu’une nuit, les Alliés construisirent à la hâte le port artificiel permettant que s’entame la bataille qui mettra fin à la Deuxième Guerre mondiale. Cherchant à Arromanches la solitude, le narrateur de Blockhaus y rencontrera bien des spectres : ceux surgis des photographies du D-Day, comme des blocs de béton, « grands sarcophages » à l’abandon sur les plages, pourtant « dégagés de tout ce que l’on savait sur ce qui les avait menés là » ; ceux de vies dissoutes tout autant que réchauffées par l’alcool qui, les soirs de grand vent, quand il n’y a ni cars de touristes ni vétérans, se retrouvent dans une parodie de pub irlandais ; ceux, enfin, d’une écriture qui, sans cesse, à lui se dérobe.
Au moment où toutes les librairies reprennent, progressivement, leur activité, on aurait bien tort de ne pas se précipiter sur ce roman de Mathieu Larnaudie, Blockhaus, paru en mars chez Inculte, à peine quelques jours avant que la pandémie ne nous confine, ne laissant à des livres beaux, exigeants et humbles, que peu de temps pour exister.
Rassurez-vous : ce Blockhaus n’a rien à voir avec un journal de confinement. En fait, c’est tout le contraire. En une petite centaine de pages on y trouve une méditation hypnotique sur la solitude et le désir, une fable pol