Littérature

Un remède contre l’immobilité – à propos de Monstres fabuleux d’Alberto Manguel

Critique Littéraire

Le déconfinement a timidement commencé, il reste toujours difficile de se déplacer et de se mêler aux autres. Pour y remédier, Alberto Manguel nous offre dans Monstres fabuleux un moyen de déambuler et de rencontrer les « monstres » de la littérature. Qu’apporte Manguel de plus à ce que nous savons déjà au sujet d’Alice et de Dracula, d’Emma Bovary ou d’Hamlet ? Des associations libres, un jugement nonchalant et parfois un tableau des réincarnations de ces héros dans d’autres fictions.

En un temps où l’attention est flottante, où l’esprit divague pendant que les yeux scrutent le vide, et que les corps bougent peu, lire Monstres fabuleux de l’érudit Alberto Manguel est un remède contre l’immobilité : barbu et compact, petit et paisible monument d’érudition, Alberto Manguel est le chantre des voyages imaginaires qu’offrent les fictions. Lorsqu’il est impossible ou difficile de se déplacer et de se mêler aux autres, cette grille de lecture du monde, cette célébration des nuances est un moyen de déambuler.

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L’écrivain âgé de 72 ans, d’origine argentine et de nationalité canadienne, nous met en mouvement tranquillement. Il n’est jamais tranchant, ni pédant. Il caresse ses références, glisse de l’une à l’autre. Dans un même chapitre, il passe de la biographie de La Belle au bois dormant à une anecdote sur l’attente et la mort. Nombreux sont les passages de Monstres fabuleux qui font de l’œil aux confinés.

Auteur d’Une histoire de la lecture qui remporta un vif succès, Alberto Manguel a souvent déménagé au cours de son existence. Il a quitté Buenos Aires à l’âge de 7 ans pour suivre son père diplomate en Israël. De retour plus tard dans sa ville natale, il est devenu en 1965, à 17 ans et de façon informelle, lecteur au service de Borges, puisque l’auteur de Fictions avait perdu la vue. Manguel le raconte dans son essai intitulé Chez Borges. Il vécut ensuite à Paris, en Italie, en Angleterre, à Tahiti où il fut éditeur, et de nouveau à Buenos Aires en 2015, en tant que directeur (malheureux) de la Bibliothèque nationale, comme le fut Borges avant lui.

Désormais, il habite au Canada. Cependant, la vie de Manguel est moins la somme de ces exils physiques qu’un « composé » des pages lues : « Mes lectures, celles qui forment ma cartographie imaginaire, définissent presque chacune de mes expériences intimes, et je peux faire remonter à un certain paragraphe, un certain vers, à peu près tout ce que je crois savoir des choses essentielles. »

L’amour, l


Virginie Bloch-Lainé

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