Philosophie

La vitalité de l’éthique – sur une nouvelle édition de L’Éthique de Spinoza

Philosophe

La réédition des œuvres complètes de Spinoza aux PUF se poursuit avec la parution du troisième volume, L’Éthique, en 2020. La nouvelle traduction, proposée par Pierre-François Moreau, et l’attention portée à l’histoire extraordinaire du texte, permettent de poser un nouveau regard sur un texte fondamental, qui touche au partage du théologique, du politique et du métaphysique.

Amsterdam, 1675. Spinoza est en ville pour préparer la publication du livre qui contient sa philosophie, qu’il a intitulé Ethica. Le texte, en latin, a demandé des années d’élaboration scrupuleuse. Le philosophe y a travaillé plus de dix ans, entouré d’un groupe de discussion à qui il soumettait régulièrement des pans du texte, qui ainsi progressait, mais aussi se modifiait, se corrigeait, se précisait, consolidait une structure de renvois internes entre les différentes parties de ce livre de philosophie construit comme un traité de géométrie.

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L’ambition de Spinoza est de démontrer les vérités de sa philosophie « selon l’ordre des géomètres » comme l’annonce la page de titre, et notamment de traiter des choses humaines, y compris leurs actions et leurs passions, individuelles et collectives, « comme s’il était question de lignes, de surfaces ou de corps », selon les mots choisis et fermes de la préface à la troisième partie. Les mathématiques et les Éléments d’Euclide en particulier, proposent un modèle efficace pour étayer l’intuition que l’on peut démontrer la vérité ou la fausseté d’une proposition, et que c’est cette possibilité même de la démonstration, de la construction axiomatique et propositionnelle prolixe, qui fonde les notions mêmes de vérité et de fausseté. Y compris dans le domaine de l’éthique donc. Et… de la religion. Spinoza touche au partage du théologique, du politique et du métaphysique.

Ce re-traitement théorique des liens indissolubles entre ces champs normalement disjoints (ne serait-ce que pour des raisons de prudence élémentaire au XVIIe siècle), insistant sur un fondement commun irréductiblement naturel, ou un nécessaire ancrage dans la Nature une et identique à travers la multiplicité de ses manifestations, il le baptise du nom d’« éthique ».

L’Éthique est ainsi d’abord un livre qui affirme (et fonde en l’étayant) une thèse très forte sur les liens nécessaires entre les différentes parties de la philosophie traditionnellement sé


[1] Intégralement consultable en ligne en suivant le lien, le manuscrit ayant été numérisé, comme des milliers et des milliers de manuscrits conservés à la Bibliothèque vaticane.

[2] The Vatican Manuscript of Spinoza’s Ethica, by Leen Spruit and Pina Totaro, Brill, Leiden / Boston, 2011.

[3] Voir ainsi « L’édition de Gebhardt de l’Ethique de Spinoza et ses sources », in Raison présente, vol. 43, année 1977.

[4] Voir §32 de la « Réponse de Pierre-François Moreau » qui suit « Une nouvelle édition critique de l’Ethique », par Paolo Cristofolini, in Spinoza transalpin (2012).

[5] Spinoza, Éthique, Partie IV, Appendice, chapitre 5, PUF, « Épiméthée », 2020, p. 435.

Mériam Korichi

Philosophe, Dramaturge, metteure en scène

Notes

[1] Intégralement consultable en ligne en suivant le lien, le manuscrit ayant été numérisé, comme des milliers et des milliers de manuscrits conservés à la Bibliothèque vaticane.

[2] The Vatican Manuscript of Spinoza’s Ethica, by Leen Spruit and Pina Totaro, Brill, Leiden / Boston, 2011.

[3] Voir ainsi « L’édition de Gebhardt de l’Ethique de Spinoza et ses sources », in Raison présente, vol. 43, année 1977.

[4] Voir §32 de la « Réponse de Pierre-François Moreau » qui suit « Une nouvelle édition critique de l’Ethique », par Paolo Cristofolini, in Spinoza transalpin (2012).

[5] Spinoza, Éthique, Partie IV, Appendice, chapitre 5, PUF, « Épiméthée », 2020, p. 435.