Christophe : les vrais paradis
Faisant unisson autour de la figure de Christophe, chanteur yéyé puis artiste branché, les hommages qui se succèdent dans les médias depuis le matin du 17 avril 2020 font entendre principalement « Aline » et « Les Marionnettes », qui l’ont fait connaître en 1965, « Les Mots bleus » (1974) et « Les Paradis perdus » (1973) ou encore « La Dolce Vita » (1977) écrits avec Jean-Michel Jarre. Ô combien naturelle au moment où disparaît un artiste sans âge, cette unanimité est également réductrice, comme si dans l’œuvre de Jean-Luc Godard, on retenait seulement À bout de souffle (1959) et Le Mépris (1963), au détriment des recherches successives du cinéaste.

La comparaison n’est pas innocente si on considère que Jean-Luc Godard, après Le Mépris, déchire brusquement les beaux atours du cinéma classique, tandis que Christophe se soustrait progressivement à la belle régularité des tubes formatés pour la radio. La différence reste que, contrairement aux films dont les lumières et les couleurs ne bougent pas (c’est la poubelle ou la restauration), « Aline » et les autres morceaux traversent la deuxième moitié du XXe siècle pour accoster au XXIe en se modifiant.
Exposés aux frottement du temps, ces morceaux se sont corrodés continument – de sorte que, dans certains concerts, l’ordre de la mélodie et la grammaire des grands tubes se réduisaient à un souffle, un murmure, un prénom, une note tenue et retenue, succès fous distillés jusqu’à l’abstraction, jusqu’à la quintessence. Les tubes qui ont fait Christophe dans les années soixante et soixante-dix, il les redécoupait constamment au fil des performances, déshabillant et rhabillant ses marionnettes – ficelle et papier –, comme si l’action devait continuer toujours en se déplaçant : « C’est toujours le commencement sans la fin[1]», disait-il.
Sous l’angle de la génération yéyé, on perçoit chez Christophe un dédoublement de la création : sous le sucre glace des chansons promotionnées dans SLC Salut les copains se font sentir note