Littérature

De la patience à la résignation – à propos des Impatientes de Djaïli Amadou Amal

Philosophe

Présenté comme une « fiction inspirée de faits réels », Les Impatientes de Djaïli Amadou Amal retrace le destin de trois femmes peules, victimes d’une société régie par un patriarcat particulièrement brutal et cruel. Une société dans laquelle on est mariée, jeune, par son père. Mais ce que tend à montrer l’autrice, elle-même mariée de force dans sa jeunesse, c’est que la « libération » individuelle, aussi épineuse soit-elle, demeure possible. Et que la patience n’est pas simple résignation.

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« La patience est une prescription divine. Elle est la première des réponses. Elle est la solution à tout. »

Djaïli Amadou Amal est née au Sahel, dans l’extrême nord du Cameroun. Comme ses trois héroïnes, elle est peule. En peul, la patience se dit munyal. Et c’est ce terme que Ramla, Hindou et Safira ne cessent de se voir répéter, par leurs parents qui les marient de force, par leurs amies impuissantes, par leurs époux. Munyal. La seule réponse envisageable aux violences, aux viols, à la dépossession matérielle et psychologique.

Présenté comme une « fiction inspirée de faits réels », Les Impatientes est une fenêtre ouverte sur une société régie par un patriarcat particulièrement brutal et cruel. Une société dans laquelle tradition et religion se mêlent sans qu’il soit possible pour les individus de démêler l’une de l’autre. Une société dans laquelle on est mariée, jeune, par son père. Alors qu’on découvre ces traditions, leurs articulations avec un islam sous une de ces formes rigoureuses, le texte soigne son décor. Il donne à voir, dans la banlieue de Maroua, ces vastes demeures tournées sur elles-mêmes et dans lesquelles vivent les familles, c’est-à-dire un homme, ses domestiques, ses épouses et leurs enfants respectifs. Incidence du passé colonial, ces lieux qui s’agrandissent à chaque nouvelle épouse sont appelées « concessions ».

En quelques pages seulement, on ressent l’atmosphère lourde des rivalités entre épouses, l’enfermement que les gardiens aux ordres du mari représentent. Le texte retrace tour à tour le mariage de trois femmes. Ramla, Hindou et Safira ne se ressemblent pas, n’ont pas les mêmes aspirations, les mêmes désirs ni les mêmes révoltes. Mais elles partagent un statut – qui est aussi un destin : « une femme naît avant tout épouse et mère. » Elles n’ont en commun que la fatalité qui s’abat sur les femmes peules et musulmanes. Le choix de la polyphonie plutôt que de l’autobiographie pour témoigner permet ainsi à Djaïli Amadou Amal de r


Sophie Benard

Philosophe, doctorante à l'Université de Picardie Jules Verne

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