Jaccottet-le-Jeune – sur Philippe Jaccottet (1925 – 2021)
Peut-être ne faut-il pas accorder trop d’importance au hasard des dates, à l’instant de la mort, quand elle vient : la voici pour Philippe Jaccottet, disparu le 24 février 2021, à 95 ans. Et pourtant, on ne peut s’empêcher de vivre cette mort, aujourd’hui, comme un signe, presque comme un abandon. Qu’elle advienne maintenant laisse le présent encore plus seul dans son espèce de désordre barbouillé, son clinquant médiocre où la neige se fait rare, les oiseaux furtifs, les espèces finissantes…
Il est difficile, ainsi, de ne pas se sentir un peu vieux quand on a aimé jeune Jaccottet, sans comprendre forcément, ou sentir, alors, toute la justesse un peu fragile de sa poésie, à un âge où il arrive que l’on aime d’abord les villes, Rimbaud un peu mieux que Verlaine, en attendant de savoir ne pas préférer : cette manière d’être au monde, pour le dire trop simplement, qui semble désormais si cruellement anachronique.
L’œuvre de celui qui donc était devenu un vieil homme paraît faite pour la jeunesse, cependant, et pour une jeunesse de tous les temps, s’il faut vraiment le formuler ainsi : cet âge où s’offre la perspective d’un mystère, non pas de son élucidation, mais de la possibilité de son expression faussement simple, à la surface des choses, au contact du paysage, dans l’expérience du monde qui s’ouvre, en quête toujours d’une transparence… Les voies désignées par Jaccottet – la pratique du vers, de la prose, l’écriture des carnets, la réflexion sur la peinture, la musique, Mozart ou les oiseaux, Morandi et les milliers de livres lus, la traduction tout autant, de l’allemand d’abord (Hölderlin édité en Pléiade, Rilke bien sûr, et encore Musil…), du russe, de l’italien, d’Homère dont il nous fit d’une certaine façon découvrir l’Odyssée… – toutes ces voies ne se sont jamais fermées, jusqu’à la toute fin de son écriture récente : aux livres qui paraissent de lui en ce printemps.
Pareilles formules pourront sembler trop abstraites, peut-être, ou générales, de pe