Savoir ce qu’habiter veut dire – à propos de Paris Fantasme de Lydia Flem
C’est une minuscule ruelle qui court entre la place Saint-Sulpice et le jardin du Luxembourg, dans le VIe arrondissement de Paris. Si minuscule qu’elle ne compte que quelques numéros. La rue Férou, cachée à l’écart des grandes artères, Lydia Flem a décidé de l’ausculter pierre à pierre et d’en remonter la généalogie. Ainsi a-t-elle cherché à connaître les noms de ceux qui y ont vécu depuis sa création, il y a cinq cents ans. À travers ce minutieux travail d’archiviste, projet fou et surprenant, l’autrice de La Reine Alice (2011) aborde d’une façon nouvelle son histoire familiale.

« Qu’est-ce qui donne le sentiment d’être chez soi quelque part ? », questionne Lydia Flem en préambule. Dans le travail de l’écrivaine belge il a souvent été question de maisons, d’habitations, de demeures, qu’on investit ou qu’on quitte. Notamment dans sa trilogie familiale, débutée avec Comment j’ai vidé la maison de mes parents (2004), suivi de Lettres d’amour en héritage (2006) et de Comment je me suis séparée de ma fille et de mon quasi-fils (2009). L’autobiographie, avec également Je me souviens de l’imperméable rouge que je portais l’été de mes vingt ans (2016), est un genre que Flem explore depuis des années sous différentes formes, travaillant sans cesse les traumatismes qu’elle a reçus en héritage et qu’elle rappelle ici : une famille paternelle exilée de Saint-Pétersbourg puis fuyant encore, une grand-mère disparue dans un camp. « Le trauma de mes parents s’est tapi dans mon corps. Mon père qui a perdu sa mère à Auschwitz a épousé une jeune femme qui en est revenue. Je suis née de ces deux voyages. Comment faire sortir ce Dibbouk ? »
Plus loin elle évoque ainsi la souffrance de son père : « La succession d’errances à travers l’Europe, sans qu’aucun État, aucune nation, aucun pays ne se révèle un asile protecteur, un lieu libre et solide, un port franc. »
Pour elle, ce lieu d’accueil pourrait justement être l’écriture : « J’arpente plus volontiers les pages des livres e