Odyssée polaire – sur The White Darkness de David Grann
La traduction en français du dernier livre de David Grann, The White Darkness, a été l’occasion de rappeler dans maints articles, souvent passionnants, l’importance aux États-Unis de la « narrative nonfiction », cette forme de journalisme littéraire dont Tom Wolfe a constitué sans doute le parrain (et théoricien) le plus fameux, et que pourraient illustrer de ce côté-ci de l’Atlantique des écrivains comme Florence Aubenas, Jean Hatzfeld ou, à sa façon si singulièrement stylée, Jean Rolin.

Plume star du New Yorker, auteur de La Cité perdue de Z qui inspira à James Gray son film magnifique sur Percy Fawcett, cet officier-explorateur au destin demeuré énigmatique, David Grann incarne en effet – pour le meilleur – cette tendance déjà ancienne de littérature de non-fiction, dont on trouvera également une manière de florilège indirect dans l’excellent recueil d’entretiens de Robert S. Boynton, Le temps du reportage, initialement paru aux États-Unis en 2005 sous le titre The New New Journalism, par allusion à la célèbre anthologie préfacée en 1973 par Tom Wolfe, The New Journalism, où se côtoyaient Norman Mailer, Joan Didion, Gay Talese ou Truman Capote…
The White Darkness témoigne en tout cas, encore une fois, du formidable talent d’enquêteur et narrateur de David Grann : c’est le récit de l’expédition qu’a menée seul Henry Worsley à partir de novembre 2015, dans le but forcément fou de traverser l’Antarctique à pied, soit 1600 km, d’une extrémité à l’autre du continent.
Un continent, nous est-il rappelé, qui s’apparente à un désert : « C’est à la fois le plus sec et le plus haut, avec une élévation moyenne de deux mille trois cents mètres. C’est aussi le plus venteux, avec des rafales de vent atteignant trois cent vingt kilomètres à l’heure, et le plus froid, avec des températures qui chutent dans l’intérieur des terres à moins de soixante degrés. »
Tenter par ses seules forces de vaincre ce désert doit se comprendre pour Worsley comme un hommage au maître des