Masculin-féminin : un dialogue entre Marguerite Duras et Benoit Jacquot – sur Suzanna Andler

Marguerite Duras – Benoit Jacquot : une rencontre
La légende fait de la rencontre entre Benoit Jacquot et Marguerite Duras une scène de reconnaissance miraculeuse : au début des années soixante-dix, une connivence immédiate s’établit sur le palier d’un immeuble au numéro 5 de la rue Saint-Benoit à Paris, engageant entre l’aspirant réalisateur de 20 ans et l’écrivaine-cinéaste une amitié active jusqu’à sa disparition à elle. Pendant quelques années sur les tournages, Benoit Jacquot traduit les idées durassiennes dans l’alphabet cinématographique le plus concret.
L’entreprise peut paraitre risquée : faire du cinéma avec Marguerite Duras, c’est s’exposer à remettre en question les bases du langage cinématographique – si l’on en juge par les infractions majeures qui constituent La Femme du Gange (1973), ou bien India Song (1975), mais encore Le Navire Night, conçu d’ailleurs comme un dialogue filmé entre Benoit Jacquot et Marguerite Duras. Cependant le jeune « assistant réalisateur » – c’est son titre au générique d’India Song – s’installera chez la créatrice à Neauphle-le-chateau pour écrire son premier film : L’Assassin musicien (1976).
Parvenue au faîte de la notoriété médiatique et de la reconnaissance intellectuelle au moment où elle commence à faire du cinéma, Marguerite Duras en fait une activité disons expérimentale – jusqu’à Son nom de Venise dans Calcutta désert (1976) : « […] je voudrais, confie-t-elle à Michelle Porte, reprendre le cinéma à zéro, dans une grammaire très primitive… très simple, très primaire presque : ne pas bouger, tout recommencer [1] ».
On dit volontiers qu’elle fait un cinéma « littéraire » ; l’expression, idéalement trompeuse, permet d’esquiver cette évidence : la dé-grammaticalisation de ses histoires refaçonne notre rapport aux histoires par une saisie sensible inédite dans l’histoire du cinéma. L’œuvre cinématographique de Marguerite Duras est une improbable collection d’hapax, un lumineux collier de ptyx.
De son côté, Benoi