Un Américain à Marseille – à propos de Stillwater de Thomas McCarthy
Dans les décombres d’un ouragan, un homme coiffé d’un casque pellette. On ne sait pas bien si la maison est à lui, si cette ville sinistrée est la sienne, s’il est là pour aider, ou pour gagner sa croûte. Le voilà qui monte à bord d’un pick-up, entouré d’hommes qui ne parlent pas sa langue et s’étonnent de l’étrangeté de ce pays où on reconstruit à l’identique, comme si la catastrophe n’allait pas frapper, encore et encore. Ah les Américains, disent-ils. Ce peuple qui ne lâche pas l’affaire. Ce peuple qui a tant besoin de son foyer.
L’homme passe devant un drive-in, commande burger et triple boisson, rentre chez lui regarder la télévision. Cet homme-là est seul, bourru et triste, ne semble chez lui nulle part – et pourtant, on le reconnaît sous les peaux bouffies, les muscles légèrement affaissés, la casquette crasseuse, peut-être à l’acuité bleue des yeux. Cet homme, c’est Matt Damon, l’Américain, celui qui jusque là était partout chez lui.

Stillwater commence par défaire tout un système de références au cinéma américain, de la fresque sociale au film d’espionnage en passant par le thriller, pour élaborer un lieu inconfortable d’abord pour le spectateur, mais qui finit par devenir hospitalier.
Stillwater, contrairement à ce que le titre suggère, n’est pas un objet tranquille. Si les premières scènes laissent présager un film social sur l’Amérique profonde, de ceux désormais bien connus qui dressent les portraits souvent complaisants de whites plus ou moins trash pris dans leur misère contemporaine, il bifurque en trois courtes séquences : un hall d’aéroport, un taxi français, une rue étroite dans la lumière méridionale, et plonge le spectateur dans un grand désarroi référentiel.
Dès le premier quart d’heure du film, Bill Baker est à Marseille. Il vient voir sa fille, qui purge depuis plusieurs années une peine à la prison des Baumettes, accusée du meurtre de sa petite amie. Matt Damon à Marseille, une jeune fille à innocenter, on peut à nouveau se croir