Littérature

Les anges provocateurs – sur Rien que le soleil de Lou Kanche

Critique

Premier roman de Lou Kanche, Rien que le soleil parle de la fuite et des ambiguïtés qu’elle condense. Aimantée par la présence brûlante d’un de ses élèves lycéens, la narratrice, Norah, assume les errances de son désir et donne à entendre une voix qui tranche avec la moraline ambiante.

Il est des êtres qui vous adressent des sollicitations violentes : de celles qui appellent sinon à des révolutions, au moins à des fuites, lesquelles cristallisent des désirs d’aventures ardentes, de vies qu’on imagine, parce qu’inconnues, plus vibrantes. Lorsque Norah, professeur de lettres au lycée de Garges-Sarcelles, voit entrer dans sa salle de classe Sofiane, dix-sept ans, petite frappe à la beauté insolente, voyou aux « gestes rois », la jeune femme assiste, envahie par le désir, à l’apparition de ce saint Jean-Baptiste en survêtement venu déchirer, telle une figure providentielle et hasardeuse, l’ennui d’un quotidien qui l’englue.

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« C’est un très jeune homme, c’est un adolescent. Il a les yeux rougis par les joints, le sourcil fier » : Sofiane, c’est d’abord un corps en mouvement, dont la puissance vitale est une provocation. Il surjoue la masculinité, arbore « l’air narquois » de ceux qui se savent enjôleurs. Sa banane pointe vers son sexe, il a la peau cuivrée, une allure d’ange des faubourgs, quelque chose des héros de Pasolini ou des éphèbes du Caravage. La beauté, pour Norah, a à voir avec une « union de contrastes ». Le jeune homme d’origine algérienne est brutal et solaire. Son éclat physique contraste avec son quotidien blafard de deal et petite délinquance, sa grâce encore intacte malgré le poids du déterminisme social qui ronge. Sa sensualité s’intensifie d’être une énigme : « je me demande s’il a conscience de sa beauté, de son corps, de l’harmonie de l’ensemble » se demande Norah, aimantée par la présence brûlante de son élève.

Rien que le soleil parle de la fuite, des ambiguïtés qu’elle condense : l’évasion n’est-elle qu’un désir de faire table rase, déclenché par l’urgence de rompre avec ce qui précède ? Ou bien y-a-t-il, aussi et simultanément, une fuite intransitive, qui vaudrait moins pour la rupture que pour le mouvement qu’elle promet ? Il y a une oscillation mystérieuse chez Norah, dont la fuite ne semble pas seulement réactive,