Masculinités hollywoodiennes en crise – sur Le Dernier Duel de Ridley Scott et Cry Macho de Clint Eastwood
«I don’t know how to cure old » – je ne sais pas comment guérir la vieillesse, constate, les mains ridées et les bras ballants, le Clint Eastwood fatigué de Cry Macho. Au crépuscule des idoles masculines, dont la victime la plus spectaculaire est sans doute le James Bond couillu de Daniel Craig, les héros des films hollywoodiens opèrent semble-t-il une mue bien à propos.
Les titres se succèdent et prédisent chacun la fin d’un monde : Mourir peut attendre, Cry Macho, Le Dernier Duel, tandis que des personnages déclinant opportunément fatiguent dans des formes censées épouser les mouvements socio-culturels qui secouent depuis l’affaire Weinstein l’industrie cinématographique américaine.

Épuiser les hommes au combat, les affronter aux grands mythes de leurs virilités, voilà comment les films de Clint Eastwood et de Ridley Scott, respectivement 91 et 83 ans, se coltinent l’air du temps, avec une efficace relative et une intelligence esthétique inégale. La fable médiévale de Scott revendique son « féminisme » avec le zèle des nouveaux convertis, tandis que le western d’Eastwood distille dans une forme apparemment réactionnaire une réflexion mélancolique plus fine.
Les codes du western s’acharnent à résister à la nouvelle donne, et parmi eux, ceux qui fixent les rapports de genre.
Le Dernier Duel, signé Ridley Scott, s’inspire d’un livre relatant le conflit historique qui opposa en 1386 deux écuyers du roi, Jean de Carrouges et Jacques Le Gris, le premier accusant le second d’avoir violé sa femme Marguerite en son absence. Le mode de preuve convoqué, et approuvé par le roi Charles VI est celui, déjà archaïque à l’époque, de l’ordalie : celui qui sera tué au duel sera jugé coupable et la vérité divine triomphera avec le vainqueur, inversant ainsi le fonctionnement judiciaire moderne et laïque, selon lequel le jugement précède la condamnation.
Le film commence le jour du duel, puis opère trois flashbacks successifs, correspondant aux différentes versions des trois