Quand l’insularité interroge la forme littéraire – sur Ton cœur a la forme d’une île de Laure Limongi
Le nouveau livre de Laure Limongi est un objet étrange. Son titre, un octosyllabe aérien qui pourrait figurer dans une comptine, évoque la certitude qu’engendre le sentiment d’appartenir à une île. La question des limites ne se pose plus : la mer circonscrit un espace qu’on peut identifier et qui garantit la cohérence imaginaire d’un territoire.
Qu’on s’exprime de l’intérieur de l’île, ou qu’on la regarde depuis la terre ferme, on partage l’évidence d’une forme où la nature et la culture apparaissent dans l’indivision : c’était le constat, évidemment fictif, de Prosper Mérimée dans ses Notes d’un voyage en Corse.
L’insularité porte aux discours péremptoires, aux clichés et surtout, comme le montre l’auteure, à la nécessité pour les Corses comme pour les non-Corses de se conformer aux stéréotypes que la fausse évidence de la forme géographique produit sans qu’on s’en aperçoive.

Le titre du livre pourrait être trompeur : il ne s’agit pas d’une défense et illustration de l’identité et de la construction politique qui s’ensuit, mais d’une enquête sur l’infinie complexité du sentiment d’appartenance à un territoire.
Laure Limongi part de l’évidence de la forme insulaire pour poser la question de la forme littéraire le mieux à même d’y répondre. Le livre n’est ni un roman ni un récit. Il n’est ni un reportage ni le compte rendu d’une analyse sociologique. On n’y trouvera pas la trace d’une autofiction.
Pourtant, on trouvera tous ces éléments au sein d’une construction subtile qui associe en les entrelaçant différents éléments, à commencer par les fragments d’une fiction qui est comme l’écho du roman précédent de l’auteure, On ne peut pas tenir la mer entre ses mains.
L’auteure ne prend pas de liberté avec l’histoire, mais la mise en forme littéraire, dont la sobriété ne doit pas réduire la force, impose la représentation de l’histoire comme tragédie.
Lavi, le personnage principal, surgit par intermittence dans la trame du livre. Il tangente l’histoire violente d