Cinéma

Robes et squelettes hors du placard – sur Madres Paralelas de Pedro Almodovar

Critique

Madres Paralelas, nouveau film d’Almodovar en salle ce mercredi, semble après quelques pas de côtés remettre le réalisateur sur les rails de son cinéma de cœur, un cinéma parfois étouffant, habité de familles dysfonctionnelles, de femmes puissantes et nocives, de tailleurs de luxe et de musiques entêtantes. Pourtant cette histoire d’enfants échangés bifurque vite, et, croisant la grande histoire espagnole du franquisme, émancipe son personnage et avec elle, le spectateur.

Le cinéma de Pedro Almodovar est peuplé de mères et de filles. Elles forment un couple essentiel qui est plus qu’un motif : une forme mélodramatique, musicale, rythmée par des épisodes de crises, de révélations tardives et de flashbacks effrayants comme des cauchemars. Chez lui le couple mère/fille est fusionnel, conflictuel, et incestuel, à l’image de celui que forme Becky et Rebecca dans Talons aiguilles : la première actrice névrosée, la seconde enfant abandonnée, qui, se retrouvant adultes, constatent qu’elles partagent un même amant.

Des mères et des filles qui ont le même homme, la même douleur, et jusqu’au même prénom, c’est une forme dans laquelle se coule aussi le plus récent Julieta, mélodrame qui rejoue l’abandon, cette fois de la mère par la fille, après que la mort du père les a confrontées à leurs respectives dépressions.

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Dans chacun de ses films la mémoire est parcellaire, elle fait défaut, bute sur des non-dits qui trouent la vie des personnages, parfois sur le temps long, ou sur plusieurs générations. De ce point de vue, Madres Paralelas instaure un nouveau schéma, et semble singulièrement adoucir les mœurs almodovariennes.

Deux femmes célibataires se rencontrent le jour de leur accouchement dans une clinique. La première, Janis, a quarante ans passés, l’autre, Ana, moitié moins. Elles accouchent toutes les deux d’une petite fille, et s’en retournent vivre dans leurs appartements madrilènes, jusqu’à ce qu’un doute assaille Janis sur l’identité de son bébé. Deux femmes dont l’une pourrait être la mère de l’autre, un secret, la perte d’un enfant, une mère actrice absente, des prénoms qui semblent circuler d’une génération à l’autre : la machine est en place, les rouages du mélodrame prêts à broyer des personnages écrasés par leur mauvaise fortune. Comme Julieta prostrée sur un banc et dont le visage entier est douleur constate rétrospectivement : « les choses se passaient sans que j’y participe », le film programme la tragédie.

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Lucile Commeaux

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