Le presque rien du juste avant – sur Nous aurons encore l’occasion de danser ensemble
Daria Deflorian parcourt les scènes européennes depuis des décennies et, comme quand on l’aperçoit jouer quelques répliques dans un film italien, il suffit qu’elle entre dans le cadre pour que tous nos regards l’enveloppent affectueusement. Comment une actrice peut-elle capter ainsi nos attentions dispersées ? Car ce ne sont pas les ressorts classiques qui président à cette attraction, ni beauté surnaturelle, ni voix sensuelle, ni comique outrancier, ni tragédienne engluée dans les affres de la passion, non, elle s’autorise simplement à être elle-même sans masque ni fioriture.
Ce don, qu’elle disperse l’air de rien dans les rangées d’un théâtre, caresse chacun des spectateurs dans les parties molles : l’humidité des paupières, le cœur qui s’apaise, les organes qui, soudain laissés tranquilles par le cerveau occupé à créer du lien avec un autre être humain, sont tout à leurs fonctions premières. Il y a un effet physique de bien-être qui se déclenche dans les spectacles de Daria Deflorian qui pourtant n’ont rien d’une promenade de santé.

Dans le dernier opus de la compagnie italienne, Nous aurons encore l’occasion de danser ensemble, tout commence par la fin. Une catastrophe que l’on ne définit pas (Covid ou cataclysme écologique qu’importe !) a visiblement englouti la civilisation telle que nous la connaissons et comme des voyeurs devant « ground zero » une petite bande de curieux visite les loges, arpente une scène tandis que la conférencière s’excuse « il nous est impossible de reconstituer les rites qui se déroulaient dans ses lieux appelés “théâtre”… mais si vous vous rapprochez de ces ruines, vous pourrez respirer l’émotion qui est restée gravée ici ». Le théâtre est mort, vive le théâtre.
Si les portants de costumes réchappés miraculeusement sont l’objet d’une admiration médusée et morbide de nos touristes en goguette, la présence des fantômes qui ont foulé les planches pendant des siècles est palpable. La scène à peine éclairée vibre sous les décombr