Littérature

Un drôle d’oiseau – sur les Romans de Julian Barnes en Quarto

Professeur de littérature anglaise

Tout juste parue, l’édition Quarto consacrée à l’œuvre de Julian Barnes donne une idée du caractère riche et foisonnant de sa production littéraire. Les cinq romans qui y sont regroupés, publiés entre 1984 (Le Perroquet de Flaubert) et 2018 (La seule histoire), alternent entre les jeux textuels, la satire de l’Angleterre et de son histoire et une écriture plus intimiste et réflexive.

Filons la métaphore : Julian Barnes est, à n’en pas douter, un drôle d’oiseau. Son physique de grand échalas impose au premier coup d’œil l’image d’un certain héron « au long bec emmanché d’un long cou » allant et venant d’un air dédaigneux dans les parages d’une mer, la Manche, à l’onde fort peu transparente.

Chatoyante, sa production littéraire l’apparenterait au plumage du colibri, surnommé le « bijou volant ». Moqueur, tel le merle, son humour l’est supérieurement. Comme la pie, il aime voler, mais c’est aux fins de pastiche et de parodie.

Sans conteste, cependant, c’est à un spécimen de la famille des psittacidés qu’il doit tout, ou partie, de son immense renom international. Avec Le Perroquet de Flaubert (1984), Barnes part sur les traces du – ou des – perroquet(s) empaillé(s) qui aurai(en)t servi de modèle à l’ermite de Croisset pendant la rédaction d’Un cœur simple.

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« Emblème volant et insaisissable de la voix de l’auteur », son narrateur, Geoffrey Braithwaite, se fait tout à la fois biographe, répétiteur, copieur et imitateur, en écho à la passion de Barnes pour le styliste français. Son entreprise emprunte toutes sortes de chemins de traverse (bestiaire, dictionnaire, sujets d’examen, essai, réquisitoire, etc.) et impose le soupçon, le doute et le principe d’incertitude en toutes choses, à commencer par l’histoire littéraire.

Au terme du processus de déconstruction, l’authenticité présumée du perroquet a volé en éclats, ainsi que celle de la gardienne du musée Flaubert. Avec l’envol de l’oiseau, « on ne sait pas ce qu’est devenue la vérité ». Mais « l’écrivain est-il beaucoup plus qu’un perroquet un peu compliqué ? »

Ces derniers temps, enfin, un peu déplumé, quoique portant toujours aussi beau, on se le figure en rossignol, auquel la mélancolie et la mort tireraient des accents plus déchirants que de coutume, ainsi que des interrogations vouées à demeurer sans réponse : « La question alors est : toutes ces narrations de votre propre histoire vou


Marc Porée

Professeur de littérature anglaise, École Normale Supérieure (Ulm)

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