Littérature

Moi, Constance D., je renonce – sur Nom de Constance Debré

critique

Constance Debré livre sa troisième confession, continuant de creuser son sillon par-delà l’héritage familial. C’est tout le sujet de Nom, de ce nom qui la lie à son père, de sa quête d’émancipation alors que celui-ci bascule de la vie à l’après. Rupture dans la filiation, maternelle et paternelle, contestation provocante des codes de son milieu, renoncement vain aux habits symboliques trop confortables pour être les siens, elle n’épargne personne dans le rejet de ce qui la précède.

Il arrive qu’un livre déjoue vos attentes et contredise l’idée ou le préjugé que vous en aviez. Qu’un auteur ou une auteure vous coince et vous saisisse. De Constance Debré, que savions-nous ? Peu de choses. On avait repéré un nom, évidemment, Debré, estampillé ici en titre : concis, direct, frappé comme une monnaie – mais l’époque, experte en coups, affectionne les titrages qui choquent.

On avait repéré une image, parce que sa photo est souvent à la une, mais là encore, l’époque affectionne les images qui marquent. Ces portraits montrent une jeune femme aux cheveux rasés, regard farouche, transformisme sous-jacent affleurant derrière la coupe et le crâne. Internet complète : elle a jeté son bonnet par-dessus les moulins, disait-on jadis. Comprenez : elle a balancé sa cape d’avocats, coupé ses longs cheveux, largué hommes, mari et fils, pour les filles et l’inconstance, mais surtout pour l’abstinence.

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Transition ? Bascule d’un genre à l’autre ? Le propos de Constance Debré est ailleurs. Là aussi elle surprend et va plus vite, plus loin. Du côté genre, la messe est dite.

Ce livre-ci, Nom, est le troisième récit autobiographique de Constance Debré, sa troisième confession. Elle est placée sous la tutelle de la mort du père, François Debré, le 14 septembre 2020. Le livre s’ouvre par la description clinique et méthodique de la préparation du corps de cet homme qui vient de mourir. « Rigidité Cadavérique » note la fille, juriste et apprenti médecin légiste. Préparation pour le néant. La scène reviendra plusieurs fois dans le livre, avec de légères modulations. Le refrain de ce récit dont l’écriture est fondée sur la répétition, c’est ça : la mort du père, les quelques heures qui suivent le passage de vie à trépas.

La mort qui en ravive une autre, celle de la mère, beaucoup plus tôt, Constance avait 16 ans. La mort qui ravive l’ascendance, la source, l’origine, tout ce dont la fille entend se défaire, deux filiations, maternelle et paternelle, qui la situe dans


Cécile Dutheil de la Rochère

critique, éditrice et traductrice

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