Où en sommes-nous dans notre Histoire ? – sur Retour à Reims (fragments) de Jean-Gabriel Périot
Voici un film qui redonne avant tout du sens au mot « adaptation ». Retour à Reims (fragments), de Jean-Gabriel Périot met le texte de Didier Eribon au service de son film. Le cinéaste implique l’ouvrage du philosophe Eribon bien plus qu’il ne l’explique ou qu’il ne l’illustre, pour reprendre la dichotomie de Georges Didi-Huberman et lui donne une tout autre profondeur.
C’est là toute la virtuosité du réalisateur de Nos défaites (2019), ou d’Une jeunesse allemande (2015), qui, non content d’explorer le genre du cinéma d’archives, a maintes fois écrit et dialogué (Ce que peut le cinéma, conversations, avec Alain Brossat) sur ce que l’archive nous révèle à nous, spectateurs, à lui, réalisateur.

Tout au long de ce nouveau film d’une heure et vingt-trois minutes qui sort en salles ce 30 mars, nous voyons défiler le XXe siècle des ouvriers, des prolétaires, des dominé.e.s en tout genre (des jeunes qui ont abandonné leurs études, des ouvrières, des femmes de ménages, des enfants immigrés, des habitants de cité conquis aux idées du Front National), personnages de documentaires ou de fiction qui jalonnent le texte revisité de Retour à Reims, interprété d’une voix à la fois sobre et habitée par la comédienne Adèle Haenel.
Un texte revisité et retravaillé car comme le titre l’indique, il s’agit de « fragments » choisis, Jean-Gabriel Périot ayant retenu le prisme du récit maternel, et non celui de l’auteur protagoniste. Celle qui reste et qui raconte à son fils quelle fut la vie d’une femme de ménage devenue ouvrière. Le réalisateur soulignant, lors d’une projection de son film, à quel point le cinéma regorgeait de soubrettes mais ne montrait jamais ou si peu de femmes de ménage.
Jean-Gabriel Périot a ainsi expliqué lors du dernier festival de Cannes, où le film a été présenté à la Quinzaine des réalisateurs, qu’il avait coupé le texte le jugeant trop long, réécrit des passages supposément difficiles à dire. Que le choix des images impliquait une sorte de montage du