Années de plomb, années assourdies – sur Cité engloutie de Marta Barone
Cité engloutie est le premier roman d’une Italienne née en 1987. Réduit à son ossature, le récit est simple et fondé sur une trame éprouvée et connue : la recherche du père. L’auteure, Marta Barone, a peu connu le sien : Leonardo Barone est mort en 2011, elle avait 24 ans et savait peu de choses sur lui, sinon qu’il portait en lui une zone d’ombre aux accents douloureux et politiquement sulfureux. Le cœur du roman est là, ce sont les rouges années de plomb italiennes. Mais son intérêt et sa beauté sont ailleurs.

Le récit commence par une réflexion sur les commencements et la naissance, comme souvent de grands romans classiques. L’auteure se dit née deux fois, dont une première fois au sens usuel. « Je suis née d’une femme au crâne troué », écrit-elle. Rien n’interdit de penser aux premières lignes de David Copperfield dont le narrateur se dit né avec une coiffe au sommet du crâne. Marta Barone a beaucoup lu, elle est traductrice, elle écrit pour la jeunesse, elle lit à titre professionnel pour une maison d’édition, et son récit est ponctué de références littéraires discrètes mais importantes, nourrissantes : elles contribuent à donner de l’intelligence et de l’épaisseur au récit, à en faire une source de questions multiples.
Sa seconde naissance, au sens symbolique, dit-elle, correspond au jour où elle s’est installée à Milan. D’elle-même, elle fait alors un portrait en jeune femme solitaire, marcheuse, égarée dans une ville sourde, silencieuse, presque hostile. Milan la capitale industrielle et Milan la grande bourgeoise sont effacées ; reste une ville aux couleurs passées et antonioniennes, teintée de d’ennui. D’emblée la langueur est là, qui ne quittera jamais le roman. Il y a dans Cité engloutie une température, une atmosphère, un temps fané comme un bouquet de fleurs mortes, un passé qui colore le présent et l’écriture et les alourdit avec grâce.
Les souvenirs qui parsèment le récit prolongent ce climat. Petite, Marta Barone ne vivait pas avec son pèr