Cinéma

Tout à l’ego – sur Compétition officielle de Mariano Cohn et Gaston Duprat

Journaliste

Compétition officielle ne concourrait pas en Compétition officielle à Cannes. Très à propos, le nouveau film pince-sans-rire des Argentins Mariano Cohn et Gaston Duprat donne à voir un tournage où s’affrontent deux stars incarnant à outrance des visions opposées du cinéma : l’Art et le Commerce.

Il y a bien sûr une certaine ironie à parler de Compétition officielle quelques jours après la clôture de la 75e édition du Festival de Cannes. D’autant que malgré son titre, cette méta-comédie pince-sans-rire des Argentins Mariano Cohn et Gaston Duprat n’était pas sélectionnée sur la Croisette, pas plus en Compétition qu’à l’ACID. Cette ironie nous plaît, bien sûr, ainsi que l’aspect contre-programmatif de cette sortie : le cinéma existe en dehors des radars cannois, et la compétition, comme pulsion reptilienne ou comme vertèbre idéologique, c’est précisément ce que brocardent ici les deux co-réalisateurs.

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Soit un grand patron milliardaire qui voudrait laisser une trace humaniste avant de mourir : par exemple, produire un film d’auteur, le meilleur possible. Comme ce PDG pense à peu près comme les dirigeants du PSG, il décide d’aligner les plus grands noms possibles pour composer sa dream team filmique : voilà donc réunis la réalisatrice en vogue Lola Cuevas (Penelope Cruz, qui campe, disons, une Julia Ducournau ibérique), la star hispano-hollywoodienne narcissique Felix Rivero (Antonio Banderas, presque dans son propre rôle) et le grand acteur théâtral de gauche Ivan Torres (Oscar Martinez, qui joue un équivalent espagnol de Patrice Chéreau), soit l’attelage baroque d’une carpe, d’un lapin et d’une machine à coudre. Le film va s’attacher à montrer comment ces trois-là préparent leur tournage à venir.

Compétition officielle décline a priori tous les codes du buddy movie ou de la screwball comedy, à savoir déployer le processus qui amène deux personnages que tout oppose au départ à devenir les meilleurs amis ou les plus beaux amants du monde. À ceci près qu’ici, ils sont trois. Et qu’ils ne deviendront jamais amis ou amants même s’ils finiront par faire leur film.

La rivalité quasi-haineuse entre Felix Rivero et Ivan Torres est particulièrement riche en situations et dialogues savoureux. À travers eux s’affrontent deux conceptions irréconciliables du ciném


Serge Kaganski

Journaliste, Critique de cinéma

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