Photographie

What you see is what you get – sur « Photographies 1978-2015 » de Judith Joy Ross

Critique d'art

L’exposition de Judith Joy Ross au BAL nous raconte l’histoire d’une Amérique, de 1978 à 2015, depuis la veille de la révolution néolibérale jusqu’à l’élection de Donald Trump. À l’image des années 80, cette série de photographies s’inscrit dans une transition, un moment qui n’est plus contemporain mais pas encore historique. Il transparaît dans le travail de la photographe une volonté d’aborder certaines zones du réel qui ont pu apparaître longtemps comme exclues de l’art.

Les deux enfants sont haut perchés, sur un tronc d’arbre, dans la photo datée de 1982 de Judith Joy Ross. Cette image apparait, comme les autres, en toute simplicité au sous sol de l’espace d’exposition de l’avenue de Clichy. En contrepoint, au rez-de-chaussée du BAL, il est possible de découvrir l’impassible série Portraits of the U.S Congress réalisée entre 1986 et 1987. Toutes les images de l’exposition, ou presque, sont sur un format 9,62 x 7,62 cm, une teinte surprenante d’argent et d’or émane des clichés. Les visages et les looks ont quelque chose de familier, qui me rappelle mon enfance, les dates correspondent, et pourtant c’était à des milliers de kilomètres.

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Photographe de l’agencement

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans cette période qui voit la photographie et l’art passer du stade de la réflexion au matériau, sont également questionnés les usages, les fonctions de ces pratiques de captation qui se font petit à petit plasticiens. C’est justement dans ce mouvement, dans cette démarche, que s’inscrit l’exposition du BAL et sa réflexion sur la radicalité de la photographie. En cela l’artiste vient placer cet usage (justement) de la photographie, de cette écriture de la lumière au cœur même de notre époque et de ses questionnements dans les fulgurantes années 80.

Conjointement, entre création contemporaine et document, la photographie devient l’un des usages majeurs pour des plasticiens en recherche de nouveaux médiums. De fait, les photographes américains sont toujours précurseurs dans l’artisanat photographique, avec une dimension du « bidouillage » qui transparaît avec grâce dans l’exposition du BAL. Il s’agit aussi pour les créateurs de prendre place dans une démarche d’épure de l’art, de son époque, et cela à l’encontre d’une opposition entre deux blocs, entre pratique visuelle et documentaire, qui se fissurent au sein même de la photographie et cela à l’image des relations internationales à la fin de la décennie.

Idéale transpare


Léo Guy-Denarcy

Critique d'art