Hommage

Maurice Olender (1946-2022), un homme d’enthousiasme

Écrivain

Philologue et historien, auteur de travaux majeurs sur le mot de « race » et chercheur engagé contre le racisme, Maurice Olender était, depuis la fin des années 1980, le maître d’œuvre de l’une des plus belles collections de l’édition contemporaine : La Librairie du XXIe siècle. Il est mort le 27 octobre.

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Il est presque d’usage, quand quelqu’un meurt, de dire à quel point il fut exceptionnel : c’est souvent comme un réflexe rhétorique, une convention d’obituaire. Or, Maurice Olender était exceptionnel, et ce n’est pas ici une formule, plutôt le retour à l’exacte étymologie du mot (ces mots qu’il aimait tant…) : ce drôle de petit homme a été plus qu’un grand éditeur, un intellectuel vraiment singulier et un maître, à sa façon, de l’amitié. Un maître qui n’aimait pas l’obéissance. Un homme qui faisait exception.

Maurice était un ami, un ami qui avait beaucoup d’amis, un ami dont il serait sans doute présomptueux de faire croire qu’on avait avec lui un lien privilégié, beaucoup d’autres personnes ayant été ses proches. Et pourtant… chaque relation, je crois, avec ses interlocuteurs si nombreux, avait pour lui quelque chose de privilégié, en tout cas de particulier, et cette possibilité de l’unicité dans le multiple faisait de lui, qui avait poli dans sa prime jeunesse anversoise des diamants imparfaits, une parfaite figure spinoziste : un homme absolument aimable. Pour le dire simplement, il était bien difficile de réfréner l’affection qu’il inspirait, et je ne saurais ici l’évoquer autrement que de façon personnelle, peut-être exagérément sentimentale, qu’on ne m’en veuille pas.

J’ai rencontré Maurice dans les années 90 : il m’avait envoyé un petit mot manuscrit – proprement illisible (ceux qui connaissent son écriture me comprendront…) – pour me remercier d’un article que j’avais consacré dans les Inrockuptibles à Daniele Del Giudice, dont il publiait les livres en français dans sa collection du Seuil, « La Librairie du XXe siècle ». Daniele et Maurice sont morts tous les deux, désormais, et c’est étrange de se retrouver seul à les évoquer : des amis fantômes, dont je continuerai d’entendre les voix, leur intonation particulière demeurant dans l’oreille, pour toujours, et pour Maurice cette façon très douce, presque chuintante, d’engager lentement une conve


Fabrice Gabriel

Écrivain, Critique littéraire

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