Art contemporain

Statues précaires – sur « Orphée ruminait des mots à l’étouffée… » de Julien Creuzet

Critique d'art

Julien Creuzet dresse des passerelles entre les imaginaires : avec lui, les bas-fonds de la Fondation Luma se remplissent de statuettes mouvantes, mises en musique, habitées par les ombres de Césaire et de Breton. Créolisation, négritude et réflexion sur l’« exotisme » et le dépaysement s’entremêlent, formant un cheminement composite et parfois désarçonnant, par lequel l’artiste fait acte de résistance contre les chemins balisés.

«C’est toujours important de donner un imaginaire vaste pour moi, comme un paysage à regarder, à entendre et à lire. » C’est par ces mots que Julien Creuzet ouvre son entretien avec le commissaire de l’exposition qui lui est consacrée à la fondation Luma à Arles. L’imaginaire et son corollaire, sa matérialisation, peuplent l’exposition Orphée…

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Celle-ci est située dans les bas-fond de l’auguste bâtiment. De fait, le travail de Julien Creuzet est marqué, depuis ses débuts, par la radicalité des implications politiques propres à « l’imaginaire » que recouvre l’exotisme. La diffusion et la politisation de cette adresse chimérique s’en trouve, à son tour, emprunt.

En cela, la référence de l’artiste à la question d’un paysage n’est pas sans importance. Son œuvre semble marquée par la notion de territoire, celui de l’exposition bien sûr, mais aussi dans la perspective de cet autre part à la fois spatial et géographique. On se demande alors comment cet exotisme pourrait figer notre regard et nos impressions lorsque nous circulons dans l’exposition. S’agit-il d’un autre orientalisme ou d’un simple dépaysement de nos impressions ?

Le projet de la Fondation Luma, à l’image de son titre, est tout entier marqué par des références musicales et, peut-être plus précisément, par l’improvisation et sa vélocité d’exécution. L’artiste, qui s’est rêvé un temps rappeur, élabore ici un espace d’inspiration et de souffle vital, lequel semble traverser les salles obscurcies du niveau -1 de la Fondation. Il travaille l’espace, le paysage. Ce dernier est rendu visible par le blême bleu-du-ciel-artificiel comme seule source lumineuse, et nous interroge sur la question même du matériau comme sur l’existence de l’exposition.

In medias res

« Mon job est d’activer et de communiquer des imaginaires. » On l’aura donc compris, c’est bien de « l’imaginaire » dont il est ici question. Cet ailleurs forcément indéfinissable. La poétique du titre, issu comme à chaque fois d’un texte de l’artiste


Léo Guy-Denarcy

Critique d'art