Littérature

Ça raconte Pauline ? – sur Qui sait ? de Pauline Delabroy-Allard

Critique

Dans Qui sait ?, on retrouve le goût du montage, des ellipses et des silences, du jeu avec les mots et leurs sonorités (présent jusqu’aux titres des livres), et des saillies humoristiques bienvenues, mais le rythme cardiaque du premier livre Pauline Delabroy-Allard, Ça raconte Sarah, laisse place à quelques arythmies dans cet ambitieux et souvent passionnant deuxième roman.

«Toute personne qui prend sur elle d’ouvrir le dossier de l’identité doit s’attendre à s’y brûler les doigts. C’est un sujet des plus délicats, et des plus dangereux, d’autant qu’il est incandescent  : à son contact se propage un feu qui éblouit peut-être, qui aveugle sûrement, mais qui n’éclaire ni ne réchauffe », écrit Paul Audi dans Troublante identité, son enquête et autoportrait philosophique. À l’orée du livre, il y revient notamment sur sa détestation de la carte d’identité, objet certifié conforme réduisant le grand incendie qui nous anime à quelques informations scellées sous le plastique et dans les dossiers de l’état civil.

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Pauline Delabroy-Allard inaugure son deuxième roman, Qui sait, avec une scène similaire : l’examen de sa future carte d’identité par sa narratrice, qui n’en aurait jamais eue en sa possession. Assise dans la salle d’attente pour en déposer la demande, elle observe avec un œil neuf la litanie des prénoms inscrits sur son dossier, dont les contours s’ourle de l’étrange : qui êtes-vous, Jeanne, Jérôme, Ysé ? Devant ce qui fige, la protagoniste se confronte à ce qui lui échappe, et la fixation met paradoxalement en mouvement : le bout de papier qui clôture lapidairement l’identité ouvre ainsi sur le divers et une enquête existentielle. Le titre dévoile alors son caractère programmatique : Jeanne, Jérôme, Ysé, qui c’est ? – et, bien sûr – qui sait ?

L’impulsion, du moins celle avouée et consciente, qui pousse à cette démarche administrative sera dévoilée un peu plus loin : la narratrice, prénommée Pauline, est enceinte, elle s’apprête donc elle-même à user de son pouvoir de nomination pour son futur enfant, et elle veut « creuser la couche épaisse de l’identité qui est la [s]ienne, qui semble être la [s]ienne, avant de donner naissance à une nouvelle identité. »

Le roman se construit comme un apprentissage des signes, ceux que l’on remarque, que l’on révèle ou qu’on s’invente, avec lesquels on crée des constellations afin qu’émerg


Ysé Sorel

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