L’ère de la dévoration – sur Le capital, c’est ta vie de Hugues Jallon
Le capital, c’est ta vie : le titre du nouveau livre de Hugues Jallon à l’évidence fait référence à la révolution néolibérale et à l’emprise croissante du calcul économique sur tous les domaines de la vie sociale. Il établit une relation d’équivalence entre deux notions a priori hétérogènes, « le capital », deus ex machina du mode de production du même nom et « ta vie », « ta pauvre vie » serait-on tenté d’ajouter, ballotée par les accidents de l’histoire et les secousses des évènements imprévisibles. On peut l’entendre comme une formule performative qui a le pouvoir de rendre réel ce qui est énoncé.

Le livre aurait alors pour objet de combler ce fossé entre l’intime et le social, les données immédiates de la conscience personnelle et l’histoire collective. Mais ce pourrait être tout aussi bien une adresse à un ami désorienté, plongé dans le désarroi, une main tendue et une invitation à en sortir.
C’est le privilège de la littérature de pouvoir condenser en une seule phrase plusieurs significations différentes, parfois contradictoires, parfois même incompatibles, sans jamais trancher. Le nouveau livre d’Hugues Jallon s’ouvre ainsi par un ensemble de questions enchevêtrées. Qu’est-ce que le capitalisme fait à nos vies ? En quoi ça nous affecte ? Qu’est-ce que ça dérègle en nous ? Comment ça nous arrive ?
Dès les premières lignes, une voix se fait entendre. Elle est le contraire de la maîtrise et de l’omniscience. Elle tremble. C’est la voix du dessaisissement et de la panique.
« Regardez mon œil blanc, aveuglé par la panique, comme je tremble maintenant, mes doigts glacés, livides, le bout de mes doigts blancs, les voilà qui tremblent, ma cigarette tremble aussi…Dans ces moments ça tombe sur moi ; par secousses brutales ou par petites convulsions… » Quelle est donc cette force qui tombe sur toi ? Mais peut-on dire que ça tombe ? « Non, ça ne tombe pas, ça vient par en dessous, du bas de mon corps, de mes chevilles, de mes jambes, et ça monte, ça monte, ça m