Le temps qui reste – sur The Last of Us
Ça commence par une sévère mise en garde lors d’un talk-show télévisuel à la Don’t look up version 1968. Deux scientifiques y prédisent des menaces de pandémie et d’invasion zombiesque si la Terre connaissait un réchauffement climatique. Ainsi commence The Last of Us, série télévisée apocalyptique post-Covid-19 adaptée du jeu vidéo éponyme à grand succès[1].

L’humanité n’aurait aucune chance de survie si les champignons infectaient les êtres humains. D’étranges plans de coupe montrent les spectateurs de l’émission complétement inertes comme si ce parasite évoqué par un des scientifiques avait déjà pris le contrôle de leur cerveau. Cut. La séquence suivante révèle la catastrophe – nous sommes désormais en 2003 – et va donner raison au scientifique : une épidémie est en train de transformer les humains en zombies.
The Last of Us est devenue en quelques semaines l’une des fictions phares sur la fin des temps, comme un parfait archétype de ces thématiques qui se sont imposées dans les séries télévisées américaines depuis le traumatisme du 11 septembre 2001. Notre civilisation est obnubilée par sa propre fin. Cet attachement à l’affect millénariste et à sa puissance subversive nourrit ces images fictionnelles comme catharsis à notre angoisse. Les fins de mondes qui y sont racontées sont autant des théâtres d’effondrement que des moments de libération, de découverte ou de redécouverte de désirs réprimés par les événements réels. Ces représentations par écrans interposés assouvissent ce « désir de catastrophe » cher au philosophe Henri-Pierre Jeudy[2].
La prise de conscience des problèmes sociaux, politiques et économiques de notre monde peut nous donner l’impression de vivre « le temps de la fin » comme le théorisait Günther Anders à partir d’Hiroshima[3]. Aujourd’hui surgissent de nouvelles inquiétudes. Le cataclysme écologique rejoint l’angoisse nucléaire réactivée par Fukushima. Le bouleversement de la marche du monde par le Covid-19 exacerbe la fragilité de