Cinéma

À l’écoute – sur Relaxe d’Audrey Ginestet

Critique

Centré sur Manon Glibert, l’une des prévenues du « procès de Tarnac », Relaxe d’Audrey Ginestet offre d’étranges résonances avec l’actualité. Comment se défendre quand on a été désigné ennemi par un État déphasé sur la question du « maintien de l’ordre » ? Étonnamment, la réponse – et la victoire – tiennent aussi dans une stratégie de patience et d’écoute qui émane de ce beau film-portrait.

Relaxe est le premier long-métrage documentaire d’Audrey Ginestet, ingénieure du son, mixeuse, et également bassiste au sein du groupe Aquaserge. Devant la caméra, la principale protagoniste du film est Manon Glibert, qui joue de la clarinette dans le même groupe. Le film n’est pas un documentaire musical sur ce groupe, l’un des plus inventifs et exaltants de la scène française. Seule une séquence montre, incidemment, une séance de répétitions du groupe.

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Le film évoque un tout autre sujet, aux implications lourdes et aux ramifications tortueuses : la préparation du procès du dit « groupe de Tarnac » (tenu en mars 2018), dont faisait donc partie Manon. Information pas si connue que ça, même en suivant aussi attentivement la scène musicale contemporaine que l’actualité.

Même si l’on ne voit qu’à peine Aquaserge dans le film, convoquer la figure du groupe n’est pas si incongru. La musique d’Aquaserge est faite d’une matière sonore hybride et joyeuse, un free-rock qui n’a pas peur des morceaux longs, aime les ruptures de rythme, passe de la stase planante aux à-coups bruitistes, tout en scandant des hymnes oulipiens et des mots d’ordre dédiés au plaisir et à l’amitié. Bref, Aquaserge est un groupe insaisissable, rétif à toute étiquette, remodelant sans cesse ses propres formats. Et de loin en loin, au-delà de l’affaire Tarnac, Relaxe procède de la même logique. C’est un film qui déjoue les étiquettes et nourrit son écriture de son propre processus de recherche.

Présenté lors de l’édition 2022 du Cinéma du Réel, Relaxe arrive enfin donc sur les écrans presque cinq ans après le jugement, signe qu’entre la maturation de l’écriture cinématographique et le temps long de la justice, pourrait se jouer une compétition de patience.

Indépendamment de son processus de fabrication, le film joue, presque à son corps défendant, un drôle de jeu avec le temps. Sa démarche au long cours résonne étrangement avec l’actualité la plus immédiate. Car il arrive sur les écrans, pile


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