Littérature

Tintin au cœur des ténèbres – sur King Kasaï de Christophe Boltanski

Écrivain

Comme beaucoup d’entre nous, Christophe Boltanski a toujours adoré Tintin, et il avoue volontiers que les aventures du héros de Hergé ne sont pas pour rien dans sa vocation de (grand) reporter. Enfant déjà, il avait cependant quelques réticences devant Tintin au Congo et sa somme de clichés coloniaux… Il y revient aujourd’hui à travers King Kasaï, le beau livre qu’il publie dans la collection « Ma nuit au musée ». Le musée où Christophe Boltanski a choisi de passer la nuit, dans la banlieue tranquille de Bruxelles, a changé plusieurs fois de noms, mais demeure un endroit étrange : ancien musée du Congo belge, il est devenu l’Africa Museum, mais n’en inspire pas moins une réflexion et presque une rêverie passionnante sur la (dé)colonisation et ses représentations ambiguës.

Que peut-on faire contre l’amour qu’on a (et qu’on a toujours eu) pour Tintin ? Même si c’est un peu lointainement, ce pourrait bien être une question posée par le beau livre de Christophe Boltanski, King Kasaï, aujourd’hui publié dans la collection « Ma nuit au musée » que dirige chez Stock Alina Gurdiel.

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Le musée choisi par l’auteur de La Cache est belge, en effet, comme Hergé. Et ce n’est pas n’importe quel musée, qui a changé de nom après s’être appelé le musée du Congo belge, puis le musée royal d’Afrique centrale, avant de connaître des travaux de transformation, on n’ose dire de « décolonisation  », pour être rebaptisé Africa Museum et ré-ouvrir en 2018. C’est un endroit étrange, encombré de l’histoire un peu folle d’un territoire vaste comme quatre-vingts fois la Belgique, que s’était approprié à titre personnel le roi Léopold II et où passe forcément, fantomatique en dépit de sa ligne claire, la silhouette de Tintin… Tintin au Congo, précisément, album presque inaugural, en 1931, des aventures du héros de Hergé accompagné de son fidèle Milou.

Christophe Boltanski a lu Tintin, l’a aimé, et lui attribuerait presque sa vocation de grand reporter (ancien correspondant de guerre, longtemps journaliste à Libération et au Nouvel Observateur, il a été également directeur de la revue XXI), malgré les réserves qu’il a pu avoir, enfant déjà, devant la somme des clichés coloniaux de Tintin au Congo. Il s’en souvient forcément au moment d’entrer, par une nuit d’août, dans cette espèce de labyrinthe mémoriel de l’Africa Museum, une énorme bâtisse plantée dans les faubourgs paisibles de Bruxelles, à Tervuren. On l’appelle d’ailleurs couramment ainsi, Tervuren, du nom du lieu où il est situé : « Tervuren n’est plus qu’un lourd quadrilatère replié sur lui-même, aux fenêtres extérieures rendues aveugles par des tentures grisâtres. Né d’un zoo, le musée ressemble de plus en plus à une cage. » L’écrivain y revient, en vérité, puisqu’il en avait déjà fait la visite, d


Fabrice Gabriel

Écrivain, Critique littéraire