L’iboga était beau gosse – sur Djinns de Seynabou Sonko
Comment sait-on qu’un livre est impeccable, fluide, réussi selon une recette rangée ? C’est qu’on sent monter en soi, à la lecture de l’ouvrage, la force obscure de l’antique « commentaire composé » des classes littéraires : pris de folie rétrograde, on va pouvoir entomologiser le lexique comme une collection de papillons morts (« poukave », « hess », « depuis blindé », « sorcelé », etc.), mettre le roman en coupe hégélienne selon le supposé « mouvement de l’esprit » dont Gérard Genette s’amuse dans Figures II.

Où l’on pose que tout texte se résume assez aisément : c’est la dialectique d’un esprit qui se révèle à lui-même et d’une poétique qui assume son taf, comme par exemple dans « Attendre. Un verbe si tendre ne m’avait jamais paru aussi cruel. »
À nous les échos inaperçus remontant des abysses de l’interprétation et la preuve que tout se tient, comme quand la narratrice de Djinns retrouve au fond d’une forêt un arbuste que son aïeule y a planté des années auparavant – ah, racines, quand vous nous tenez. Le commentateur va pouvoir user son huile de coude à traquer l’isotopie, telle cette description d’un rire libérateur qui apparaît trois fois, belle comme une calavera mexicaine : « kakakaka, tête vers l’arrière toutes les dents dehors. » Il s’ébaubira aussi de tel décrochage référentiel dans l’univers fictif, quand la narratrice se met à énumérer, l’air de rien, la typologie des mouches cosmétiques au XVIIIe siècle : « La discrète sous la lèvre, la majestueuse sous le front, la tendre sur le lobe de l’oreille, l’enjouée sur la pommette, l’effrontée sur le bout du nez et la baiseuse au coin de la bouche. »
Ne manquons pas de relever tout ce qui relève du métatexte poétique et de la langue qui coulisse à vue : « J’avais l’impression d’être bilingue au sein même du français » (p. 14), « aujourd’hui tout le monde dit wesh, alors il faut créer de nouveaux codes, dépoussiérer les anciens mots, en inventer d’autres, parce que la langue à elle seule est de