« Une Bande de Démocrates violents » – sur Les Romantiques d’E. P. Thompson
En France, Thompson jouit d’un succès d’estime. Jamais il n’a atteint les niveaux de notoriété d’un Éric Hobsbawm. Son travail est pourtant de la même trempe, et sa formation d’historien marxiste peu ou prou la même.

La situation évolue lentement, c’est heureux, depuis la sortie de La formation de la classe ouvrière anglaise, en 1988, soit tout de même vingt-cinq ans après la sortie de l’original. Mais force est de constater que le marxisme critique d’Edward P. Thompson a longtemps été, dans l’hexagone, persona non grata. À contre-courant des dogmatismes et des modes, il a été en butte aux mêmes réserves et objections, chez lui, au Royaume-Uni. Figure de proue d’un marxisme sans Marx, à l’image d’un Raymond Williams, Thompson n’est pas sans évoquer cet autre trublion des lettres anglaises que fut George Orwell, l’auteur de 1984.
À quoi aurait ressemblé Les Romantiques, si Edward P. Thompson avait eu le temps de mener à bien la somme sur le romantisme anglais qu’il ambitionnait de rédiger ? Nul le sait, mais on se doute qu’elle aurait différé de ce qui se trouve rassemblé ici sous sa plume, à l’initiative de sa veuve, Dorothy Thompson. On y trouve ce que, dans le jargon du métier, on nomme des « fonds de tiroir », ce qui nous vaut ce recueil « hétéroclite », réunissant neuf textes écrits sur une période de vingt-cinq ans (entre 1968 et 1993), et de natures très diverses : interventions orales, articles universitaires, comptes rendus d’ouvrages savants.
Seule la première génération du romantisme anglais y est représentée, et encore pas intégralement, car la figure de William Blake manque à l’appel, mais pour cela, il suffit de se reporter à un précédent ouvrage de Thompson, Witness Against The Beast. William Blake and The Moral Law (1993, non traduit). La deuxième génération, Keats, Shelley, Byron, n’y a pas trouvé sa place. On peut le regretter, au nom de l’image d’Épinal du romantisme anglais, mais on peut aussi considérer que la cohérence intellectuelle e