Cinéma

Corps glacés – sur L’Été dernier de Catherine Breillat

Critique

L’Été dernier marque le retour en majesté de Catherine Breillat, qui se penche de nouveau sur les extrêmes d’un désir féminin insaisissable dans le regard de l’héroïne de son film, Anne, qui couche avec le fils de dix-sept ans de son mari.

«Ce n’était pas moi ». Voilà où en était restée la filmographie de Catherine Breillat, avec ces mots qui concluaient Abus de faiblesse en 2014. Ceux de Maud, impuissante face au récit de son emprise par Vilko, miroir de la relation entre la cinéaste et Christophe Rocancourt.

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Retour en majesté de la réalisatrice, L’Été dernier explore à nouveau un désir retors, qui de son allure lancinante ne cesse de creuser une faille dans le regard de son héroïne ; celui de Anne, qui couche avec Théo, dix-sept ans, le fils de Pierre, son mari. Breillat, qui s’est toujours penchée, de 36 fillette à À ma sœur !, sur les extrêmes d’un désir féminin insaisissable, ausculte patiemment ce trou qui se forme et provoque une absence à soi. C’est cet écart entre l’éros et la morale, ainsi que la façon de s’en dédire une fois la lucidité recouvrée, qui est au cœur d’un film bien trop intelligent pour se fourvoyer dans une sulfureuse immoralité.

L’équation est semblable à l’inusable Théorème pasolinien. Théo, adolescent rebelle, revient dans le giron de son père, retourne l’ordre bourgeois et la relation conjugale. Au sens propre, puisque sa réapparition s’accompagne rapidement d’un auto-cambriolage où Théo saccage son nouveau foyer. Néanmoins, Anne, qui découvre la supercherie et en fait leur secret, est tout sauf une proie facile, une maîtresse de maison docile. La composition de Léa Drucker est à ce titre sidérante, entre air distrait et œil noir, glissements félins et immobilisme glacé ; en permanence sur le qui-vive, prompte à ne jamais avoir ne serait-ce qu’un temps de retard. Ce regard droit, qui ne vacille pas, ouvre d’ailleurs le film. Dans son bureau d’avocate, elle traque sans précaution la précision dans la parole décousue de sa jeune cliente victime d’un viol : nombre d’aventures, de verres consommés. À l’instar de la cinéaste, elle ne se pose pas en juge moralisatrice (inquiète, elle se rendra au domicile de l’adolescente) mais en implacable observatrice. Elle insiste


Hugo Kramer

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