Littérature

Tempête sous un crâne – sur Les Alchimies de Sarah Chiche

Critique

Sarah Chiche nous avait habitués à des montages textuels mêlant différents styles et tissant avec brio ses affres personnels avec les aspects les plus sombres du XXe siècle. Dans Les Alchimies, la connaissance par les gouffres laisse place aux gouffres de la connaissance – un roman brillant qui ose plonger plus franchement dans la fiction.

Au seuil du livre de Sarah Chiche, Les Alchimies, nous sommes prévenues : « toute cette histoire restera énigmatique à qui n’accepte de s’armer de sa propre part de ténèbres pour aller à la rencontre de ce qui peut arriver aux êtres humains. »

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Les ténèbres, l’écrivaine nous y avait déjà habituées, éclaboussant de noir jusqu’aux titres de ses deux précédents ouvrages, Les Enténébrés et Saturne, dont les auspices sont réputés ombrageux. Sarah Chiche y trempait sa plume dans l’encre de la mélancolie, pour reprendre l’expression du médecin et théoricien de la littérature Jean Starobinski, afin de transformer l’impossibilité de vivre en possibilité de dire.

Secret familial, exil, sexe, violence – dans ce nouveau roman, on retrouve l’entrelacs des thèmes chers à l’écrivaine, on sillonne les couloirs de l’hôpital, on oscille sur le fil fragile de la conscience, tendu entre raison et folie au-dessus d’un volcan jusque-là endormi qui, en se réveillant, risque de tout dévaster. On y croise Saturne, on s’appesantit sur Goya, figures déjà familières dans l’univers de Sarah Chiche, qui tente, avec Les Alchimies, de nouveaux alliages pour plonger plus franchement dans la fiction.

On y suit les pas pressés de Camille Cambon, parisienne bientôt quinquagénaire et médecin légiste. Femme mûre, elle a « connu [s]on petit lot de désenchantements personnels, quitté l’homme avec qui [elle] comptait passer [s]a vie, vu [leur] fille prendre son parti et s’éloigner. » Pourtant, elle tient le coup, elle continue de se battre chaque jour pour faire son métier, et, de facto lutter contre l’effondrement de l’hôpital public. De petite taille mais grande gueule, elle ne « s’incline devant personne », et c’est d’ailleurs pour son sens de la punchline qu’elle est choisie pour monter au créneau dans les médias et y porter la parole des soignants.

Avec le même tranchant, Camille dissèque les cadavres et fait l’anatomie de cette institution chérie, ce système de soins « mis en place au lendem


Ysé Sorel

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