Histoire mondiale du monde – sur l’exposition « Une autre histoire du monde »
À la manière d’un incipit donnant le ton d’un récit à venir, l’exposition Une autre histoire du monde débute par une image confondante mais significative : une allégorie à la gloire de Napoléon représentant la Muse de l’histoire, Clio, qui présente la grandeur de l’empereur français à plusieurs personnages figurant d’autres peuples (un Mandchou, un Russe, un Amérindien, un Mandarin).

Ce tableau d’Alexandre Véron-Bellecourt (1773-1849), venu du Louvre, pose ainsi le cadre programmatique d’une exposition entièrement animée par la volonté d’illustrer ce que l’anthropologue anglais Jack Goody nomma dans un livre majeur « le vol de l’histoire » : un vol dont l’Europe s’est rendue coupable en imposant au monde un grand récit qui n’est au fond rien d’autre que l’universalisation de son point de vue particulier.
Ce grand récit nous poursuit depuis les « Grandes découvertes » des XVe et XVIe siècles, au point de nous avoir convaincu que nous étions, nous les européens, au centre du monde, occultant les multiples manières dont les sociétés asiatiques, africaines, américaines, océaniennes ont elles-mêmes inventé leurs propres récits et construit d’autres modèles de mondialisation.
Cette croyance longtemps ancrée dans nos esprits, marqués par l’historiographie célébrant les épopées coloniales et le génie de nos navigateurs traversant les océans, inventant la Modernité et incarnant l’universalité de la pensée, s’est heureusement fissurée dans l’esprit éclairé des historiens. Devenue centrale depuis au moins vingt ans dans le champ de l’histoire contemporaine, la « world history » (souvent baptisée « histoire globale » en France) a ainsi entièrement décentré l’analyse des formes de la mondialisation depuis des siècles et remis à leur place tous les discours ethno-centrés aveugles aux dynamiques sociales et culturelles lointaines. Une nouvelle génération d’historiens français, incarnée par des auteurs comme Romain Bertrand ou Patrick Boucheron, Yann Potin ou Pierre Singa