Architecture

De l’eau, de l’air et de la lumière – sur l’exposition « Le souffle de l’architecte »

Architecte

En invitant la pratique de l’architecte Bijoy Jain et le Studio Mumbai à exposer les objets qui peuplent son atelier et qu’il confectionne avec les artisans, la Fondation Cartier pour l’art contemporain manifeste son intérêt pour son architecture sensible aux éléments, à la lisière entre art et artisanat. Le studio indien revendique un travail depuis le matériau et ses possibles, dans une économie de moyens en cohérence avec son milieu et ses ressources.

En décembre s’est ouverte l’exposition « Bijoy Jain / Studio Mumbai Le souffle de l’architecte » à la Fondation Cartier pour l’art contemporain. Le nom de l’architecte indien, le nom de son atelier créé en 1995 dans la ville éponyme, le nom de la sensibilité qu’il entend partager dans un moment de silence, de vibration et de présence matérielle.

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Le bâtiment de Jean Nouvel est depuis son origine vitrine d’une hospitalité bienveillante aux architectes (avec comme dernière exposition monographique de cette discipline celle consacrée à Junya Ishigami, « Freeing Architecture » en 2018), comme d’une écoute attentive des sensorialités discrètes (avec par exemple Le Grand « Orchestre des Animaux » en 2017).

Il sert ici non pas d’écrin, mais de terrain de jeu à Bijoy Jain qui y a disposé des objets hétéroclites voire mystérieux, et a invité deux pratiques artistiques à dialoguer avec cette composition : les céramiques de l’artiste turque et danoise Alev Ebüzziya Siesbye et les dessins de l’artiste chinoise Hu Liu. L’exposition s’inscrit dans la continuité des précédentes apparitions internationales du studio, parmi lesquelles « Work – Place » à la Biennale de Venise 2010, « Between the sun and the moon » au centre d’architecture bordelais arc en rêve en 2015, ou « Immediate landscapes » à la Biennale de Venise 2016.

L’élan qui meut le propos de l’architecte, à la croisée de l’artisanat, de l’architecture, de la pratique artistique, reste celui de la vertu du local, de l’expérimental, de l’attention aux éléments naturels, aux processus de fabrication. Parmi les maquettes de chaux, les panneaux de terre, les structures de bambou, entre les bols d’argile et les dessins au graphite, s’installe une atmosphère d’émulation vibrante, celle du travail silencieux de la main. Alors que l’exposition, sans cartels et à la médiation volontairement évasive, revendique ce secret comme une invitation à l’enquête, à la déambulation et à la narration par les sens, les thèmes qu’elle


[1]    Michel Serres, Genèse. Paris : Grasset, 1982, p.146

[2]    Alvar Aalto, « Experimental House at Muuratsalo », dans Arkkitehti, n9-10. Helsinki, 2008, p.37

[3]    Bijoy Jain, Bijoy Jain / Studio Mumbai, Le souffle de l’architecte, Paris : Fondation Cartier, 2023

[4]    Blaise Pascal, Œuvres complètes, vol.1 Pensées. Paris : Hachette, 1871, p.248

[5]    À propos de cette nécessité, lire aussi Victor Fraigneau, Relier, Glaner, Soutenir, Militer : Changer d’architecture, AOC media – Analyse Opinion Critique, 9 décembre 2022

[6]    Martin Heidegger, Questions IV, Paris : Gallimard, 1976, p.92

[7]    Martin Heidegger, « La chose », dans Essais et conférences, Paris : Gallimard, 1980, p.195

[8]    Constance Classen, « Smell : The Postmodern Sense? » in Aroma: The Cultural History of Smell, London ; New York : Routledge, 1994, p.205 [Nous traduisons]

[9]    Pour reprendre le titre de l’ouvrage de Tim Ingold, Being Alive: Essays on Movement, Knowledge and Description, London ; New York : Routledge, 2011

[10]   Steen Eiler Rasmussen, Experiencing architecture, réédité en Découvrir l’architecture, Paris : Éditions du Linteau, 2012

[11]   Ibid., respectivement p.211 et p.191

[12]   Tim Ingold, Being Alive: Essays on Movement, Knowledge and Description, op. cit., p.133 [Nous traduisons]

[13]   Bijoy Jain, Interview de Felix Burrichter [Nous traduisons]

[14]   Constantin Brâncuși, cité par Dorothy Dudley, « Brancusi », The Dial 82, 1927, p. 124

[15]   Louis Kahn, « J’aime les commencements », dans Silence et Lumière, Paris : Éditions du Linteau, 2010, p.266

[16]   Bruno Latour, « Esquisse d’un Parlement des choses », Écologie politique no 56, no 1 (2018), pp.47 ‑64.

[17]   Jane Bennett, Vibrant Matter: A Political Ecology of Things, Durham : Duke University Press, 2010, p.1‑2. [Nous traduisons]

[18]   Autour de ces sujets, lire Juhani Pallasmaa, La main qui pense, Arles : Actes Sud, 2013

[19]   François Rabelais, Tiers livre des faictz et dictz heroïques du noble Pantagr

Victor Fraigneau

Architecte, Post-doctorant à l’Université de Strasbourg

Notes

[1]    Michel Serres, Genèse. Paris : Grasset, 1982, p.146

[2]    Alvar Aalto, « Experimental House at Muuratsalo », dans Arkkitehti, n9-10. Helsinki, 2008, p.37

[3]    Bijoy Jain, Bijoy Jain / Studio Mumbai, Le souffle de l’architecte, Paris : Fondation Cartier, 2023

[4]    Blaise Pascal, Œuvres complètes, vol.1 Pensées. Paris : Hachette, 1871, p.248

[5]    À propos de cette nécessité, lire aussi Victor Fraigneau, Relier, Glaner, Soutenir, Militer : Changer d’architecture, AOC media – Analyse Opinion Critique, 9 décembre 2022

[6]    Martin Heidegger, Questions IV, Paris : Gallimard, 1976, p.92

[7]    Martin Heidegger, « La chose », dans Essais et conférences, Paris : Gallimard, 1980, p.195

[8]    Constance Classen, « Smell : The Postmodern Sense? » in Aroma: The Cultural History of Smell, London ; New York : Routledge, 1994, p.205 [Nous traduisons]

[9]    Pour reprendre le titre de l’ouvrage de Tim Ingold, Being Alive: Essays on Movement, Knowledge and Description, London ; New York : Routledge, 2011

[10]   Steen Eiler Rasmussen, Experiencing architecture, réédité en Découvrir l’architecture, Paris : Éditions du Linteau, 2012

[11]   Ibid., respectivement p.211 et p.191

[12]   Tim Ingold, Being Alive: Essays on Movement, Knowledge and Description, op. cit., p.133 [Nous traduisons]

[13]   Bijoy Jain, Interview de Felix Burrichter [Nous traduisons]

[14]   Constantin Brâncuși, cité par Dorothy Dudley, « Brancusi », The Dial 82, 1927, p. 124

[15]   Louis Kahn, « J’aime les commencements », dans Silence et Lumière, Paris : Éditions du Linteau, 2010, p.266

[16]   Bruno Latour, « Esquisse d’un Parlement des choses », Écologie politique no 56, no 1 (2018), pp.47 ‑64.

[17]   Jane Bennett, Vibrant Matter: A Political Ecology of Things, Durham : Duke University Press, 2010, p.1‑2. [Nous traduisons]

[18]   Autour de ces sujets, lire Juhani Pallasmaa, La main qui pense, Arles : Actes Sud, 2013

[19]   François Rabelais, Tiers livre des faictz et dictz heroïques du noble Pantagr