Écologie

Relier, glaner, soutenir, militer – changer d’architecture

Architecte

La Ferme du Rail est un lieu social et agricole engagé et alternatif au cœur de Paris. Dans quelle mesure l’histoire de sa construction peut-elle transformer les manières de faire l’architecture ? Accompagnés par le philosophe Philippe Simay, les architectes de l’agence Grand Huit, partisans d’une « école du réemploi » et d’une écologie des relations, racontent les ambitions, les postures et les réflexions qui animent la construction et le fonctionnement de cette ferme urbaine.

Deux ans après l’inauguration de la Ferme du Rail, lieu de solidarités actives et d’agriculture alternative, sa nomination comme finaliste du prix européen EU Mies Award 2022[1] et l’ouvrage La ferme du rail, pour une ville écologique et solidaire[2] qui en détaille les gestes et les positions engagées, nous invitent à revenir sur ce projet hybride, sur ce qu’il réinvente des manières de faire l’architecture et son inscription urbaine, politique et sociale. La Ferme du Rail s’est installée au cœur de l’émulation urbaine du 19e arrondissement de Paris, à l’intersection opportune, miraculeuse même, entre la dynamique qui s’anime autour du canal de l’Ourcq, et l’ambiguïté de la Petite Ceinture, en pointillés entre friche attractive et dernier lieu « sauvage » de la capitale. Hybride, le lieu l’est bien par nature, réunissant dans une mixité fonctionnelle sincère lieu d’hébergement, de formation, de production agricole et de restauration.

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Il est surtout à comprendre comme lieu d’hospitalité et d’ouverture, tant son énergie repose sur les femmes et les hommes qui l’ont construit, et sur celles et ceux qui le font vivre. C’est là tout le but de revenir sur l’histoire de cette installation : partager la conviction renouvelée que ce bâtiment est avant tout support et générateur de relations, rendre crédit aux acteurs de sa construction et à l’importance de leur travail, rappeler les gestes élémentaires qui constituent les racines de l’acte de construire, insister sur la vocation de l’architecture à accueillir et accompagner les parcours de vie, aussi divers et fragiles soient-ils. Par sa radicalité, il semble ainsi primordial de présenter le projet social, politique et éthique que constitue l’attitude construite portée par les architectes Clara Simay, Julia Turpin et Marine Kerboua qui les a rejointes, le philosophe Philippe Simay, et la paysagiste Mélanie Drevet, et tous les acteurs qui les ont accompagnés.

Faire lien, faire sens, au plus près

L’histoire du lieu


[1]    Le prix annuel vise à promouvoir les œuvres architecturales innovant sur les plans technologiques, constructives, sociales, économiques, culturelles et esthétiques.

[2]    Clara et Philippe Simay, La Ferme du Rail : L’aventure de la première ferme urbaine à Paris (Arles : Actes Sud, 2022)

[3]    Comme celles reconnues par Baptiste Morizot, dans Manières d’être vivant : Enquêtes sur la vie à travers nous (Arles : Actes Sud, 2020), p.16.

[4]    Y a-t-il morale plus directe à ce sujet que celle de Richard Adams dans son ouvrage Watership Down, (London : Rex Collings, 1972), et son adaptation en long métrage d’animation réalisée par Martin Rosen en 1978 ?

[5]    À ce sujet, lire le Troisième paradigme : les devenirs in Mathias Rollot, « Les trois paradigmes de l’architecture », Cahiers du LHAC, n° 4, ENSAN, 2022, pp.123-148.

[6]    Clara et Philippe Simay, La Ferme du Rail : L’aventure de la première ferme urbaine à Paris (Arles : Actes Sud, 2022), p.70.

[7]    Bruno Latour, « Why Has Critique Run out of Steam? From Matters of Fact to Matters of Concern », Critical Inquiry 30, No. 2 (janvier 2004), pp. 225‑248.

[8]    Lire aussi « Une école du réemploi : pour un Green New Deal de la construction | Et demain | Pavillon de l’Arsenal. »

[9]    Philippe Simay, « Le réemploi comme ressource première », Les Cahiers de la recherche architecturale urbaine et paysagère, no 11 (26 mars 2021) : p.295.

[10]  Louis I. Kahn, Silence et lumière (Éditions du Linteau, 2006), p.266.

[11]  Lire à ce propos Jane Bennett, Vibrant Matter : A Political Ecology of Things (Durham : Duke University Press, 2010).

[12]  Comme dans l’ouvrage collectif dirigé par Arjun Appadurai, trad. par Nadège Dulot, La vie sociale des choses : Les marchandises dans une perspective culturelle (Dijon : Les Presses du réel, 2020). On retrouve cette même approche de l’enquête à suivre la vie de la matière entre autres dans le travail de Armelle Choplin, Matière grise de l’urbain : La vie du ciment en Afrique

Victor Fraigneau

Architecte, Post-doctorant à l’Université de Strasbourg

Notes

[1]    Le prix annuel vise à promouvoir les œuvres architecturales innovant sur les plans technologiques, constructives, sociales, économiques, culturelles et esthétiques.

[2]    Clara et Philippe Simay, La Ferme du Rail : L’aventure de la première ferme urbaine à Paris (Arles : Actes Sud, 2022)

[3]    Comme celles reconnues par Baptiste Morizot, dans Manières d’être vivant : Enquêtes sur la vie à travers nous (Arles : Actes Sud, 2020), p.16.

[4]    Y a-t-il morale plus directe à ce sujet que celle de Richard Adams dans son ouvrage Watership Down, (London : Rex Collings, 1972), et son adaptation en long métrage d’animation réalisée par Martin Rosen en 1978 ?

[5]    À ce sujet, lire le Troisième paradigme : les devenirs in Mathias Rollot, « Les trois paradigmes de l’architecture », Cahiers du LHAC, n° 4, ENSAN, 2022, pp.123-148.

[6]    Clara et Philippe Simay, La Ferme du Rail : L’aventure de la première ferme urbaine à Paris (Arles : Actes Sud, 2022), p.70.

[7]    Bruno Latour, « Why Has Critique Run out of Steam? From Matters of Fact to Matters of Concern », Critical Inquiry 30, No. 2 (janvier 2004), pp. 225‑248.

[8]    Lire aussi « Une école du réemploi : pour un Green New Deal de la construction | Et demain | Pavillon de l’Arsenal. »

[9]    Philippe Simay, « Le réemploi comme ressource première », Les Cahiers de la recherche architecturale urbaine et paysagère, no 11 (26 mars 2021) : p.295.

[10]  Louis I. Kahn, Silence et lumière (Éditions du Linteau, 2006), p.266.

[11]  Lire à ce propos Jane Bennett, Vibrant Matter : A Political Ecology of Things (Durham : Duke University Press, 2010).

[12]  Comme dans l’ouvrage collectif dirigé par Arjun Appadurai, trad. par Nadège Dulot, La vie sociale des choses : Les marchandises dans une perspective culturelle (Dijon : Les Presses du réel, 2020). On retrouve cette même approche de l’enquête à suivre la vie de la matière entre autres dans le travail de Armelle Choplin, Matière grise de l’urbain : La vie du ciment en Afrique