Écrire et s’envelopper de mémoire – sur Mes Amis d’Hisham Matar
Si l’on effeuillait les récits d’Hisham Matar comme on effeuille la marguerite, il faudrait remplacer le verbe « aimer » et réciter : il invente un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout. Livre après livre, en effet, l’écrivain, né en Libye en 1970 et exilé en Grande-Bretagne en 1990, s’éloigne de lui-même et s’autorise à affabuler.

Allant et venant entre les voix et les genres, il se libère progressivement de l’autobiographie. Mes Amis, son quatrième livre, est un roman dans toute sa splendeur : non seulement l’écrivain s’y est inventé des doubles, des faux amis et des vrais, mais il joue avec brio le jeu de l’histoire aux tiroirs multiples. Et ce faisant poursuit inlassablement sa méditation sur l’exil, la séparation et la transplantation de soi.
Mes Amis est un montage très savant, un assemblage tel qu’il est difficile à résumer en ce qu’on appelle un pitch. La structure de l’intrigue est trop élaborée. Chaque composant de l’histoire est à double, voire à triple fonds. Ceci ne signifie pas que le livre est difficile à lire. Au contraire, le classicisme du style (traduit avec une belle aisance par David Fauquemberg) garantit au lecteur ce confort si propre au genre romanesque : mélange de tranquillité et de réflexion légèrement dérangeante, de familiarité et de dépaysement, de divertissement et de rappel à l’ordre de la réalité la plus dure. Vous lisez, calé dans un fauteuil ou dans un lit, pendant ce temps, les bombes pleuvent à Gaza et la terre continue de trembler en Cyrénaïque.
Eh oui, le roman est le genre bourgeois par excellence, mais ne nous emballons pas car nous en sommes – vous en êtes. Qui plus est, pour un homme comme Hisham Matar, qui s’est approprié la grande littérature anglaise avec tant de goût et de désir de comprendre, c’est aussi un projecteur, un outil d’éclaircissement, d’enracinement, un territoire aussi libre que le sien fut sous les fers et a sombré dans le chaos. De ce point de vue, Mes Amis – le narrateur étant